INTERVIEW
Interview de Nathalie Marquay-Pernaut et Jean-Pierre Pernaut pour Le Mensuel en 2013
&
JEAN-PIERRE PERNAUT
« On a commencé à écrire à deux à partir de ce thème,
Internet qui sème la zizanie dans la vie publique
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Un véritable vaudeville contemporain ! En effet fidèle à l’esprit des plus grands chefs-d’oeuvre du théâtre, la pièce « Piège @ Matignon » n’en est pas moins résolument moderne. Écrite par les époux Pernaut et peaufinée avec un spécialiste du genre, Jean-Claude Islert, celle-ci ne s’est pas contentée du sempiternel triangle amoureux en intégrant un élément désormais indispensable dans notre vie et encore inexploité sur les planches, Internet !
Ce formidable outil de communication qui relie virtuellement les êtres entre eux mais qui possède également le pouvoir de briser véritablement leurs existences. Personne n’est épargné et surtout pas les personnages politiques, qui sont certainement ceux qui ont le plus de secrets inavouables…
Jean-Pierre Pernaut : Le thème central de la pièce est Internet qui sème aujourd’hui la zizanie dans la vie de nombreuses personnalités connues comme des hommes politiques, des gens du showbiz, de la chanson ou du cinéma. Sur Internet existent des sites plus ou moins recommandables et même si c’est un outil formidable pour la circulation de la connaissance, il existe des sites « pourris » qui balancent des rumeurs, des phrases tronquées, des photos volées, des vidéos truquées et sorties de leurs contextes. Cela crée des ragots qui vont d’un site à l’autre, qui sont repris sur des réseaux sociaux et ça nous a semblé, à Nathalie et moi, être un phénomène de société assez nouveau en matière de communication. Cela a été la base qui nous a donné envie d’écrire une pièce. J’ai aimé l’ambiance du théâtre et on a commencé à écrire à deux à partir de ce thème, Internet qui sème la zizanie dans la vie publique mais aussi la vie privée d’un homme politique. A la manière de Feydeau, on a fait le choix de prendre un thème de société sérieux pour en rigoler sur scène. On a imaginé cinq personnages, dont celui de Nathalie qui campe la femme d’un « premier ministrable » piégé par une rumeur sur Internet. Le Premier Ministre en exercice est son ancien amant et ça nous plonge dans un vaudeville classique dans le quel on retrouve une femme de ménage truculente et un assistant traître. Dans Piège @ Matignon, on rit de la politique, on s’amuse beaucoup d’Internet et comme on a choisi de mettre en scène des hommes politiques, la fiction a été rejointe par la réalité… (rires) On a écrit la pièce en 2010, on l’a peaufinée en 2011 et on a ensuite assisté à un réel déchaînement durant les élections présidentielles entachées de fausses rumeurs impossibles à arrêter. Là, on peut vraiment dire que la réalité à rejoint la fiction ! (rires)
Pourquoi la politique justement ? Au départ c’est un sujet qui vous intéressait particulièrement ?
Nathalie Marquay-Pernaut : Non, au début c’était vraiment pour Internet parce que c’est un sujet qui n’avait jamais été traité au théâtre, on n’en avait pas encore entendu parler sur scène et on voulait justement un sujet original, qui n’avait pas été exploité. Et puis, pour en rire, puisque c’est tellement facile de rire de la gauche, de la droite et du centre, on a placé ces petits personnages politiques dans notre pièce. On n’a pas pu résister ! (rires)
Jean-Pierre : Tout le monde reconnaît qu’on n’est pas méchant mais le public rit énormément. Tout à l’heure, on disait qu’on faisait une tournée formidable depuis le mois de janvier et les gens rient quelque soit leur bord politique. On rit franchement car on n’est pas dans un débat politique. Et bien sûr, on a actualisé la pièce suite au changement de Président de la République…
Nathalie : On a du vite changer les textes ! On a su les résultats le dimanche soir et on devait rejouer le mardi suivant, en à peine deux jours, la pièce devait être retouchée !
Jean-Pierre : Ce n’était plus le même Président, ni le même Premier Ministre. Le cartel était un peu différent mais si on s’était bien amusé du précédent, on s’amuse beaucoup aussi du nouveau et puis on rajoute des petites choses de temps en temps. C’est un peu une pièce de chansonniers ! Les comédiens trouvent des petites idées eux-mêmes, nous aussi sans oublier le troisième auteur, Jean-Claude Islert qui nous a rejoint sur ce projet. C’est un dramaturge connu, l’un des auteurs de la série « Maguy », qui a écrit plein de pièces dont « Tiercé Gagnant » ou « Le Coup de la Cigogne ». Il nous a énormément aidé à prendre le rythme du théâtre car c’est véritablement une écriture très particulière. On a démarré la pièce en janvier 2012 à Paris au Théâtre du Gymnase, où elle était prévue pour trois mois. On a été heureux de voir notre pièce prendre vie sur scène, avec Nathalie en plus ! Et comme ça avait bien cartonné au Gymnase, on a fait trois mois supplémentaires au Théâtre Daunou avant de monter une tournée qui a démarré en janvier dernier.
Nathalie : On a pris plus de temps que prévu pour cette tournée car Stéphane Slima, qui tenait le rôle principal masculin à mes côtés s’en est allé… Ça n’a pas été évident, professionnellement mais surtout personnellement, de reprogrammer cette tournée…
Jean-Pierre : On termine ce soir à Mandelieu la première tournée et on en entamera une seconde de septembre à juin 2014 donc la pièce va vivre encore une belle année.
Nathalie : Avec Philippe Risoli…
Ecrire une pièce, c’était une première fois pour tous les deux ?
Nathalie : La première fois que j’ai joué dans une grande pièce, c’était dans « Un couple parfait, enfin presque » et comme Alil Vardar est un mentor, il inventait chaque soir des répliques différentes qui avaient tendance à me perdre un peu ! (rires) Et je me retrouvais sur scène, avec des trous énormes ! Je rentrais le soir en me disant que j’avais l’air d’une potiche alors j’ai décidé de faire comme lui et d’écrire mes textes. Je les apprenais et je faisais comme Alil, je les balançais dans la pièce. Et ça a marché ! C’est là qu’avec Jean-Pierre on s’est dit qu’on allait écrire un petit truc ensemble. Et puis, on avait déjà tous les deux écrit nos propres livres…
Mais ce n’est pas la même démarche…
Nathalie : Non parce que là il faut arriver à raconter une histoire, avoir un rythme, dans l’optique de faire rire. Il y a énormément de contraintes qui n’existent pas dans l’élaboration d’un roman.
Jean-Pierre : Il fallait trouver l’idée générale et un thème qui n’avait jamais été utilisé au théâtre… Dans un vaudeville, il y a toujours un mari, une femme et un amant mais on ne pouvait pas rester là-dessus. Alors on a choisi de mettre en scène un personnage central inhabituel, Internet. Et à partir de là seulement, on a tricoté et tissé une histoire qui regroupe un mari premier ministrable, sa femme, un ancien amant qui devient un Premier Ministre, une femme de ménage et un assistant. Nathalie a surtout travaillé sur le caractère des personnages. Jean-Claude, quant à lui, nous a remanié plein de petites choses. On a travaillé ensemble, on s’est beaucoup amusé, nous, en tant qu’auteurs en l’écrivant. Et être un auteur sur scène comme l’est Nathalie, c’est une chance incroyable ! Ça lui permet pendant la tournée, de peaufiner certaines choses.
Dans le jeu de comédienne, ça change quelque chose d’être devenue auteure ? On se sent plus à l’aise ?
Nathalie : Non malheureusement on ne sent pas plus à l’aise parce qu’on en a beaucoup sur les épaules ! Il y a énormément de pression parce qu’on sait qu’on va être vite critiquée sur le jeu ou sur l’écriture… Mais c’est un challenge extraordinaire, j’adore ça ! J’adore me battre et en fin de comptes, ça se passe super bien !
Jean-Pierre : Le métier de comédienne est tellement différent du métier d’auteure que quand la comédienne est sur scène, elle n’est plus rien d’autre que son personnage. C’est vraiment une technique de comédienne, c’est un travail avec les autres acteurs. C’est pendant les répétitions que tous les détails se définissent.
Nathalie : Quand on travaille avec le metteur en scène, Eric Civanyan, il faut vraiment que je sois la comédienne, pas l’auteure. Je dois suivre ses directives à moins que je déteste l’idée, ce qui est encore autre chose ! (rires)
Quand on tout créé, pensé, imaginé et écrit, ce n’est pas difficile de redevenir une comédienne qui doit se laisser guider ?
Nathalie : C’est sûr que ce n’est pas très évident les premiers temps. En écrivant, on imagine toujours des choses, on voyait une scène plus intense avec une autre personne, plus libérée et puis on se rend compte que ça va faire trop, que ça va sonner faux. Sur le moment, ça chagrine un peu mais j’ai vite réalisé qu’Eric Civanyan est un grand metteur en scène et que je ne pouvais que lui faire confiance.
Jean-Pierre : Effectivement, mais on a la chance que Nathalie ait toujours cette soif d’apprendre. Elle suit des cours de comédie depuis longtemps, a fait ses armes dans une première pièce qui a cartonné avec Vardar et puis, au théâtre, on continue à apprendre jour après jour. Chaque jour le public est différent, les conditions de jeu sont différentes, le rythme de la pièce est différent d’un jour à l’autre et par exemple, ce soir, on ne sait pas du tout ce que ça donner, c’est ça qui est génial !
Vous avez joué dans des séries auparavant, pourquoi le théâtre n’est arrivé qu’en 2010 ?
Nathalie : En fait, on est toujours venu vers moi comme si c’était ma destinée toute tracée. Les séries sont arrivées comme ça, un peu par hasard, sans que j’ai programmé quoi que ce soit. J’ai ensuite rencontré Alil Vardar au moment où il venait de monter une pièce pour deux personnages. Il m’a proposé de jouer avec lui et j’ai dit « pourquoi pas ? »… (rires)
Tout de suite sans aucune hésitation ? Car la scène est un exercice très difficile…
Nathalie : Bien sûr j’ai lu le scénario avant, il m’a expliqué un peu ce que ça allait être. C’était comique et c’est exactement le genre de pièces que j’aime. Lorsque le rideau s’ouvre, je suis gamine et quand il se referme, je suis une petite vieille, donc il y avait plein de personnages à jouer. C’était prodigieusement difficile mais j’étais à très bonne école à ses côtés et puis, j’ai toujours adoré la scène. Quand j’avais cinq ou six ans, je faisais des spectacles à Noël pour mes parents où j’imitais Dave, Dalida et Claude François. Ma mère disait que j’étais faite pour être sur scène mais je n’y croyais pas trop à ce moment là car tous les parents disent ça en voyant leurs enfants faire ce genre de choses. Mais c’était finalement bien mon destin !
En fait vous n’avez jamais peur de vous lancer, d’où votre penchant pour les sports extrêmes ?
Nathalie : Oui mais c’est quand même bien cadré, je sais que je ne risque rien. Même si j’aime foncer, je ne le fais pas n’importe comment. C’est réfléchi parce que j’ai des enfants et qu’il faut faire attention, même si j’aime sentir l’adrénaline monter. Je sais que ce n’est pas donné à tout le monde et j’ai eu la chance qu’on me demande d’être la marraine du Trophée Andros et qu’on me prête une voiture. La première saison j’étais à deux à l’heure (rires) et lors de la deuxième saison, j’ai fait deuxième du Trophée Andros Féminin, donc c’est bien, je suis contente ! J’aime bien toutes ces expériences et puis j’étais avec Jean-Pierre et son fils, on a bien rigolé !
Cette adrénaline, ce travail sans filet, c’est quelque chose qu’on retrouve sur scène ?
Nathalie : Ah oui absolument ! C’est exactement ce que l’on peut ressentir au théâtre. Au cinéma, non, à la télévision non plus, la magie est moins belle. Là, on n’a pas le droit à l’erreur, si on se plante il faut se rattraper sans que le public le voit, il faut avoir confiance en ses partenaires. Il faut être dans son personnage, il ne faut pas ripper ailleurs, il faut rester concentré pour faire rire les gens à tel ou tel endroit. Il faut dire sa réplique à un moment précis pour que l’autre puisse balancer la sienne et que ça fasse rire. Dans cette pièce, je ne suis pas le personnage le plus drôle mais celui qui pose la situation pour que l’autre puisse faire rire. C’est important parce que si vous n’êtes pas concentré, ça tombe à l’eau, c’est sûr !
C’est le rire qui est le plus difficile à déclancher ?
Nathalie : Oui et ce dont on parle moins mais qui est compliqué aussi, c’est de ne pas partir en fou rire mais ça nous arrive de temps en temps ! (rires) Heureusement le public rit avec nous mais il m’est arrivé au moins quatre bons fous rires incontrôlables et je peux vous dire que c’est impressionnant ! Ce qui est magnifique, c’est qu’on est une équipe qui s’entend super bien. Je suis un peu triste lorsque l’on se sépare, comme ça va être le cas pour la seconde tournée. Seule Marie-Laure Descoureaux restera avec nous. C’est une comédienne extraordinaire, qui a joué dans les « Intouchables », dans « Amélie Poulain » et dernièrement dans « Les Profs ». C’est quelqu’un d’extraordinaire. Les autres n’ont pas pu re-signer pour une seconde année à cause de leurs emplois du temps.
Changer d’équipe est quelque chose d’un peu effrayant ?
Nathalie : Oui mais ça a l’avantage de m’obliger à apprendre constamment. Il va se passer plein de nouvelles choses auxquelles il faudra s’adapter et c’est parfait pour l’apprentissage. Selon les partenaires, le jeu est très différent.
Donc ce qu’on verra à la rentrée, au Cannet, sera différent de ce qu’on découvrira ce soir ?
Jean-Pierre : Oui, parce qu’il y aura trois nouveaux comédiens dont Philippe Risoli. Ce sera sa première au théâtre mais je ne m’inquiète pas pour lui. Il a été le présentateur préféré des français il y a une dizaine d’années et il est resté très populaire. Je ne comprends d’ailleurs pas pourquoi son émission a été arrêtée ! On vient de le voir sur scène à Looz, tout le public était debout ! Il va, comme les deux autres comédiens, faire évoluer la pièce et nous, on va continuer, avec Nathalie et Jean-Claude Islert, à adapter la pièce et à rajouter des petites phrases liées à l’actualité… Pas trop mais quelques-unes quand même car ça fait bien rire les gens.
Ça ancre la pièce dans le réel, dans le présent ?
Jean-Pierre : Oui, c’est très actuel, il y a eu le temps de Sarkozy, le temps de Hollande, si on devait changer de premier ministre bientôt, on ne sait jamais, ce serait peut-être le nôtre qui le deviendrait…
Il y a donc encore un bel avenir pour cette pièce…
Nathalie : J’espère que oui ! Mais on est déjà dans l’écriture de la deuxième que l’on espère voir jouer en 2015.
En tous cas, c’est agréable que vous fassiez une tournée car c’est un peu trop rare au le théâtre à cause des problèmes d’emplois du temps, des contraintes…
Jean-Pierre : Mais les villes ont tendance à être un peu timides aussi. Certaines d’entre elles hésitent et ne prennent que du classique. On n’est pas excessivement cher mais les budgets des théâtres municipaux ont quand même été nettement réduits cette année, les théâtres privés en régions font très attention également. Ils essaient de faire vivre leurs salles mais les très grandes têtes d’affiche coûtent une fortune et ils ne peuvent pas se le permettre. Ce qui est formidable dans notre pièce, c’est que l’on s’amuse. On s’est amusé à l’écrire, Nathalie s’amuse à la jouer, les autres comédiens s’amusent aussi avec une technicité qui me scotche à chaque fois et le public s’amuse à la regarder mais ce n’est pas une pièce chère et ça c’était important pour que le public n’ait pas peur de se pendre des places en famille.
Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson
Interview parue dans l’édition n°341 d’Octobre 2013
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