INTERVIEW
Tina Arena en interview
Amoureuse de la France au point, contrairement à la majeure partie des anglo-saxons, d’avoir eu la féroce volonté d’en apprendre la langue, l’inoubliable interprète des titres Aller plus haut et Aimer jusqu’à l’impossible revient, après dix ans d’absence, sur des terres où elle se sent comme chez elle… Armée d’un tout nouvel album francophone intitulé Quand tout recommence, Tina Arena, malgré sa vie familiale et sa carrière en Australie, prouve qu’elle n’a jamais oublié ce public français avec qui elle entretient un lien très fort. Désireuse d’offrir à ce dernier des morceaux dont elle pouvait être fière, la chanteuse, perfectionniste, s’est accordé le temps nécessaire pour sculpter une oeuvre d’art qui, à la fois reflète la femme qu’elle est devenue aujourd’hui et s’adresse directement aux coeurs des gens qui l’écoutent. Curieuse, ouverte d’esprit, sincère et d’une incroyable simplicité pour une femme que la carrière et la voix auraient pu transformer en diva, l’interprète de Tant que tu es là (le premier extrait de l’album) a désiré – bien que sa puissance vocale soit toujours aussi indéniable -, placer ses messages au premier plan. Plus sereine et en même temps plus concernée que jamais par le monde qui l’entoure, Tina Arena rappelle que les vraies valeurs exigent, si on souhaite les préserver, une prise de conscience immédiate et une attention constante.
Nouvel album « Quand Tout Recommence » à paraître le 06 avril
« Chanter juste « bien » ne m’intéresse plus ! »
Morgane Las Dit Peisson : L’album Quand tout recommence sort le 06 avril…
Tina Arena : J’essaye, quand je pense à cette date, de ne pas me mettre trop de pression car même si j’ai bien sûr envie que les gens le découvrent et l’écoutent, un disque ne doit pas être un simple produit commercial dont on attend un certain nombre de ventes. Si on pense comme ça, on s’éloigne totalement de la sincérité artistique qu’on y a mis…
L’essentiel est d’être en accord avec ce qu’on crée…
C’est exactement ça… Ce disque – Quand tout recommence – me rend très heureuse car il est riche de thèmes, d’approches musicales et d’atmosphères. Il est, je crois, « intéressant » donc j’espère que le public s’y intéressera mais le marché de la musique a tellement changé ces dernières années qu’il faut apprendre à ne rien attendre de particulier pour ne pas être déçu et prendre ce qui vient comme un joli cadeau…
Réussir à prendre du recul comme tu le fais vient avec le temps…
Il faut bien qu’il y ait des avantages à vieillir ! (rires) Avancer dans la vie permet de prendre conscience de ce que l’on sait, de ce que l’on veut et surtout de ce que l’on ne veut plus ! (rires) La véritable beauté de l’âge, c’est la sagesse, c’est cette capacité à distinguer la propagande de la sincérité et à reconnaître les vraies valeurs. En vieillissant, tu te laisses moins envahir par l’inutile et le négatif et c’est ça que je trouve extraordinaire ! Tu deviens certes un peu plus cynique, mais tu prends surtout conscience que le temps passe si vite que tu dois tout faire pour ne pas le perdre…
Tu reviens en France où tu sembles être comme chez toi…
J’ai une curiosité et un amour très sincères pour la France… J’ai eu la chance de pouvoir participer, en tant que chanteuse, à de grands évènements français comme l’élection d’un président, j’ai intégré la troupe des Enfoirés mais j’ai aussi eu l’immense privilège d’interpréter l’hymne australien sur les Champs Élysées à l’arrivée du Tour de France ! J’ai d’ailleurs trouvé symboliquement très beau de pouvoir marier ainsi les deux cultures qui me constituent car même si je suis d’origine italienne, c’est de la France dont je me sens extrêmement proche. Je ne sais pas particulièrement pourquoi, je crois tout simplement que c’est le destin. Je me suis retrouvée dans ce pays exactement au moment où j’en avais besoin… La France m’a aidée à grandir, à « m’éduquer » à moi-même, à me découvrir…
10 ans séparent tes deux derniers albums français mais ça ne signifie pas que tu t’es arrêtée…
C’est vrai que certains pensent qu’on végète quand on ne fait pas parler de nous ! (rires) Mais en effet, je n’ai pas arrêté de travailler ces dix dernières années, j’ai juste continué en Australie pour pouvoir prendre soin, en même temps, de ma famille. Par contre, j‘entretiens avec le public hexagonal une relation si unique depuis 20 ans que ça commençait à sérieusement me manquer ! (rires)
Ta voix n’a pas changé mais elle est moins dans la démonstration et plus au service de textes et de thèmes plus profonds…
Ils sont, c’est vrai, beaucoup plus élaborés qu’avant et j’en avais vraiment besoin ! (rires) L’écriture francophone attache énormément d’importance à l’histoire tandis que le monde anglophone – et américain en particulier – se moque, la plupart du temps, d’avoir affaire à un Victor Hugo pour produire un énorme tube ! (rires) J’en ris mais c’est affligeant car le langage utilisé est bien souvent pitoyable… Seuls le rythme et la puissance vocale comptent alors pouvoir m’investir dans les récits de mes nouvelles chansons, m’a vraiment comblée de joie ! Chanter juste « bien » ne m’intéresse plus aujourd’hui, il faut qu’il y ait du sens.
Tant que tu es là le prouve en rappelant les vraies valeurs…
C’est vrai… Ce titre est une véritable déclaration d’amour non pas à un homme, mais à tous les êtres – enfants, parents, âmes soeurs, animaux ou amis – qui croisent nos routes et sans qui on ne pourrait pas avancer dans nos vies. L’époque dans laquelle on évolue est difficile car elle est violente, fausse et narcissique… Elle nous éloigne quotidiennement de nos besoins vitaux et en effet, de nos valeurs. C’est dramatique à mes yeux de réaliser qu’une Kim Kardashian est par exemple devenue une référence pour la jeune génération, y compris en France où j’observe malheureusement de plus en plus l’influence de la culture américaine… Vous avez une culture si riche et extraordinaire que je me sens le devoir, à ma mesure, de la défendre du mieux que je peux en exposant, à travers mes morceaux, ma propre vision des choses.
© Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson • Photos Renaud Corlouer
Interview parue dans les éditions n°391 #1, #2 et #3 du mois d’avril 2018
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