INTERVIEW

Emmanuelle Bouaziz en interview

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Il semblerait qu’à l’approche de ses quarante ans, la comédie musicale pour enfants Émile Jolie n’ait pas pris une ride… Imaginée par Philippe Chatel en 1979, cette histoire chantée à l’époque par Julien Clerc, Georges Brassens et Henri Salvador, a en effet réussi le pari – et ce sans lifting – de séduire une nouvelle génération d’enfants que l’on a souvent tendance à croire très différente des précédentes. Preuve que si la télé, les smartphones et internet attirent évidemment l’attention de ceux qu’ils ont vu naître, les préoccupations et les profondes interrogations des tout-petits n’ont quant à elles pas changées… 


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Emmanuelle Bouaziz pour le spectacle musical « Émilie jolie » à Nice le 10 mars, à Marseille le 15 avril


« Être artiste n’est pas un plan B, c’est quelque chose de viscéral ! »


Morgane Las Dit Peisson : Émilie Jolie s’est déjà joué sur Paris cet automne…

Emmanuelle Bouaziz : Oui et puisque tout s’est aussi bien passé sur scène qu’en coulisses, toute la troupe a vraiment hâte de partir ensemble sur les routes début mars… Avant ça, on va se retrouver pour répéter de nouveau car l’air de rien, ça fait déjà deux mois qu’on n’a plus incarné nos personnages donc il est nécessaire que l’on se remette un peu dans le bain ! (rires)

Aller sur scène exige un travail de chaque instant…

C’est vrai que contrairement à ce que cette chère Christine Angot a dit il y a quelques jours, être artiste n’est pas un plan B ! (rires) C’est quelque chose de viscéral qui nous dépasse et qui nous pousse à faire de nombreuses concessions… Ça exige une grande rigueur donc on ne peut pas faire ça par hasard, en dilettante… Et puis, ce sont des métiers très fragiles alors il faut rester conscient que tout peut s’arrêter du jour au lendemain et donc en profiter au maximum.

Ces enjeux sont source de trac ?

Je crois que ça en fait partie… Le trac est quelque chose de très curieux car c’est un mélange de peur et de moteur. Je crois d’ailleurs que si un jour il m’arrivait de ne plus le ressentir, c’est que je ne serais plus à ma place sur scène… Le trac, c’est cette crainte que ça s’arrête tout à coup et c’est surtout la hantise de décevoir les attentes d’un public qui s’est déplacé pour nous voir. En réalité, cette boule au ventre est juste le signe que l’on fait les choses sérieusement et que l’on se sent réellement concerné par ce que l’on fait.

Se produire sur scène est un savant mélange de conscience et de lâcher prise…

C’est exactement ça ! C’est un curieux équilibre à trouver entre le fait de s’oublier soi-même pour devenir le personnage et rester maître de ce que l’on fait… C’est une attention de tous les instants que l’on ne doit jamais laisser apercevoir au public.

Émilie Jolie est un spectacle musical pour enfants mais pas seulement…

Pour qu’un beau et grand spectacle pour enfants fonctionne et soit équilibré, il faut qu’il ait différentes lignes de lecture… Celui-ci met en scène un voyage initiatique qui, bien qu’il soit compréhensible par les tout-petits parle de sujets profonds comme les angoisses, les doutes, le partage, l’amitié, l’amour, l’attachement, la quête… Comme beaucoup, j’ai grandi avec ce spectacle mais bien qu’étant adulte aujourd’hui, je prends plaisir à l’interpréter et je vois que les parents et grands-parents dans la salle sont dans le même cas que moi. 

Vous endossez le rôle de l’Autruche mais vous êtes également la chorégraphe du spectacle…

Ce n’est pas spécialement de tout repos surtout que je suis la seule fille parmi toute l’équipe créative (rires), mais moi qui ai une tendance à aimer les défis, pour le coup, j’ai été servie ! (rires) Quand j’ai auditionné pour le rôle de l’Autruche et que j’ai appris qu’aucun chorégraphe n’avait encore été choisi, j’ai tout de suite demandé à ce que l’on me confie cette tâche et je ne remercierai jamais assez la production d’avoir eu foi en moi… Ça me garde en éveil, j’observe tout ce que je peux dès que je quitte la scène mais surtout, j’ai appris à faire confiance à mon assistante et mes danseuses qui sont tout bonnement exceptionnelles !

Chorégraphier un spectacle pour enfants avec des personnages animaliers ajoute sûrement des difficultés…

C’est vrai que la question de la mobilité des personnages était primordiale… J’aime bien travailler avec l’imaginaire des artistes et concevoir chaque tâche comme un tout… Chorégraphier, à mes yeux, ce n’est pas faire danser un artiste mais se servir de ce qu’il dégage, utiliser son personnage, la musique, la lumière mais aussi son costume car en fonction de ses couleurs et de ses matières, je serai tentée d’aller dans telle ou telle direction. Quand j’élabore une chorégraphie, j’imagine une mise en scène à part entière, pas uniquement une danse.

 

© Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson • Photos Eddy Briere & Patrick Carpentier


Interview parue dans les éditions #1 et #2 du mois de mars 2018

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