INTERVIEW

Thomas Le Douarec en interview

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Sur tous les fronts, de l’adaptation à la mise en scène en passant par le jeu, Thomas Le Douarec semble, avec sa lecture du roman d’Oscar Wilde avoir trouvé l’oeuvre qu’il aurait presque pu écrire lui-même… Multipliant les identités à l’instar de ses confrères acteurs comme pour vivre des dizaines de vies en une et avoir peut-être ainsi la sensation de prolonger la sienne, l’homme – comme bon nombre d’êtres humains – est en perpétuelle recherche de sens. Rêvant lui aussi de retenir le temps, c’est à ce sujet plus que jamais d’actualité que le metteur en scène a choisi de se frotter, avec autant de grâce que d’efficacité, en donnant corps au roman Le portrait de Dorian Gray qui imaginait voilà déjà plus d’un siècle les ravages que pourraient occasionner la beauté et la vie éternelles…


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« Le portrait de Dorian Gray »

À La Roquette sur Siagne les 23 et 24 février 2018

En version anglaise à Monaco le 08 mai 2018

 


« La vie n’a aucun sens, alors autant en rire ! »


Morgane Las Dit Peisson : Tu es un homme de théâtre qui, chaque soir, est habitué à remettre son titre en jeu…

Thomas Le Douarec : Sincèrement, à chaque fois que je suis à quelques minutes d’entrée en scène, je me sens excité et euphorique, c’est quelque chose qui ne m’a jamais quitté depuis mes débuts ! Au moment de rencontrer le public, d’affronter la salle, je me sens dans le même état que pour un premier rendez-vous… On ne sait jamais comment ça va se passer, il y a un certain suspens et l’avantage, quand on est dans un spectacle, c’est que tout est censé être sous contrôle, on sait à peu près où l’on va ! (rires) Dans la vie, a contrario, on ne maîtrise pas grand chose…

Il est impossible de retenir un 10ème de ton parcours tant il est dense…

Thomas : Ah mais ça, c’est le privilège de l’âge ! (rires) Le temps qui passe n’a pas que des défauts… Et puis, j’ai eu la chance de savoir très tôt ce que je voulais faire et ai signé ma première mise en scène à l’âge de 19 ans. Je te rassure, je n’ai pas de tableau magique comme Dorian Gray ! (rires) Et pourtant, ce serait si merveilleux de pouvoir rester éternellement jeune ne serait-ce que pour pouvoir monter toutes les pièces dont je rêve et qu’une vie entière ne me permettra jamais de faire !

Ce texte Le portrait de Dorian Gray est d’ailleurs quelque chose qui t’attire depuis longtemps…

Thomas : Cette version théâtrale n’est en effet pas ma première, on avait même créé une comédie musicale en 2011 à Avignon qui avait connu un très beau succès mais qui n’a pas autant séduit le public parisien… Ça m’a attristé alors j’ai décidé de revoir ma copie pour aller encore plus loin dans l’adaptation théâtrale du roman jusqu’à m’en libérer complètement. Avec cette dernière vision de l’oeuvre d’Oscar Wilde, on a su toucher le coeur du public au point d’avoir dépassé les 450 représentations… Ça nous remplit de joie car c’est de plus en plus rare de pouvoir autant jouer un spectacle en affichant complet quasiment chaque soir… C’est réellement magique, comme quoi, il faut toujours persévérer dans la vie !  (rires)

Pourquoi cette pièce là plutôt qu’une autre ?

Thomas : C’est compliqué d’être sûr d’en connaître les raisons précises. C’est avant tout, je crois, la rencontre d’un auteur, un coup de coeur… Et je suis intimement persuadé que Le portrait de Dorian Gray est la meilleure pièce qu’il n’a jamais pu écrire… Il était avant tout un auteur de théâtre, cet ouvrage est son unique roman alors j’ai eu l’impression que donner vie sur les planches à ce texte, rendrait en quelque sorte justice à son auteur. À la fin du 19ème, il n’aurait jamais pu la monter à cause de la censure et de la morale alors c’était la moindre des choses que de le faire aujourd’hui, en France, où l’on a la chance de pouvoir parler librement, entre autres, d’une homosexualité qui lui a d’ailleurs valu à l’époque d’être emprisonné. Et puis, il n’y a presque aucun mérite à choisir ce texte qui est d’une beauté si absolue que des dialogues entiers ont été impossibles à couper et se sont retrouvés tels quels dans la pièce…

Une mise en scène à la fois raffinée, actuelle mais fidèle qui n’est pas tombée dans l’élitisme…

Thomas : Oscar Wilde était un homme extrêmement spirituel, philosophe, poète et en même temps, excessivement drôle donc populaire alors on se devait de créer un univers scénique qui reflète tout ça en même temps. Par l’humour, cet auteur a su faire passer énormément de sujets importants et ça tient parfois du génie, car ça a toujours été fait avec finesse, subtilité et délicatesse. La vie n’a aucun sens, alors autant en rire ! Il l’avait bien compris… On sait tous qu’on finira entre quatre planches et quelque part, je pense que c’est cette mort inévitable qui donne tout son sel à la vie, c’est grâce à elle que l’on a autant envie de profiter pleinement de chaque instant… C’est amusant car on retombe sur le thème de la pièce qui est la vie éternelle… Le personnage de Dorian Gray réussit à atteindre ce rêve universel et pourtant, en être humain digne de son espèce, ça ne lui suffira pas…

© Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson pendant le festival Les Nuits Auréliennes de Fréjus • Photos droits réservés


Interview parue dans les éditions #1 et #2 du mois de février 2018

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