INTERVIEW
Éric Fraticelli et Le clan en interview
Bien que sa pièce Le clan soit la toute première qu’il ait offerte au public, mise en scène et interprétée, Éric Fraticelli n’en est pas pour autant à son galot d’essai. Humoriste dans le duo Tzek et Pido dès la fin des années 90 avant de continuer l’exercice seul sous l’unique nom de Pido, le comédien corse s’est fait repérer par le grand public dès son apparition sous les traits de Figoli – surnomé « le piaf » – dans la comédie à succès L’enquête corse. Personnage un peu simplet et gaffeur à qui il a su apporter, de par son jeu, un caractère attendrissant, celui-ci est sans nul doute resté, aux côtés de ceux joués par Jean Reno et Christian Clavier, le rôle qui nous a tous le plus marqués… Rappelant un tantinet l’équipe corse du film et les indépendantistes dépeints dans les sketchs de Tano, son clan de voyous à la petite semaine ne semble pas, elle non plus, avoir la lumière à tous les étages ! Chargés de faire disparaître un autre délinquant du même acabit, Fred, Achille, Max et Francis la belette vont devoir se résoudre à trouver un nouveau plan pour subvenir à leurs besoins, après avoir fait échouer cette mission qui ne présentait pourtant pas de difficultés insurmontables. Ne trouvant pas d’autres « clients » puisqu’aucun domaine « professionnel » ne semble échapper à la crise que l’on connaît, le quatuor de bras cassés va avoir la riche idée de se créer lui-même sa propre mission en organisant le kidnapping de Sophie Marceau avec l’espoir, très d’obtenir une rançon…
« Le Clan » à Cannes le 21 janvier, à Salon de Pce le 07 février, à Marseille du 02 au 10 mars
« Je ne cours pas après la notoriété ou la reconnaissance… »
Morgane Las Dit Peisson : On t’a connu pour tes one-man-show sous le nom de Pido, cette fois-ci tu es l’auteur de la pièce Le clan… Ça fait du bien de rejouer avec une troupe ?
Éric Fraticelli : J’adore l’exercice du one-man mais c’est vrai que l’esprit de troupe m’a manqué ces dernières années. C’est de là que je viens et même si c’est une liberté exceptionnelle que d’être seul maître à bord, à moins d’avoir un ego surdimensionné et vouloir avoir tous les applaudissements pour soi (rires), il arrive un moment où être seul devient frustrant car on doit penser à tout, tout le temps, on ne peut se reposer sur personne et on s’amuse quand même moins…
Aurélia Decker : Moi qui suis souvent seule sur scène avec mon spectacle, je savoure vraiment l’esprit de troupe qui règne dans cette pièce et qui nous apporte énormément de force… On est comme tout le monde, il y a évidemment des soirs où l’on n’est pas très bien, fatigués ou préoccupés et dans ces cas là, c’est le public qui nous porte et qui nous aide à nous surpasser. À cinq, c’est encore différent, on se soutient mutuellement et on se renvoie la balle, c’est plus facile…
L’idée de cette pièce Le clan ?
Éric : La pièce Le clan est tirée d’une série que j’avais écrite pour Canal + et qui n’a pas été produite car après Mafiosa, la chaîne ne voulait pas repartir tout de suite sur cette thématique de voyous. C’est peut-être un mal pour un bien car si la série s’était faite, la pièce n’aurait sûrement jamais vu le jour ! On a cinq personnages très dangereux – dont un, le mien, qui est un véritable pied nickelé -, qui se sont montés leur petite structure, leur propre gang pour honorer quelques contrats plutôt juteux… Ce qui les sauve, c’est qu’ils sont bien malgré eux extrêmement sympathiques ! Jouer Mafiosa, qui n’était pas une série comique, ça m’a donné plein d’idées pour traiter ce sujet mafieux sous un angle drôle. L’univers dans lequel les personnages évoluent est dramatique mais, en les suivant au quotidien, j’ai voulu qu’on découvre leur humanité…
Beaucoup te découvrent seulement maintenant…
Éric : C’est vrai que bien que ça fasse plus de 20 ans que je travaille, je n’ai jamais fait grand chose pour me faire connaître à tout prix, ce n’est pas mon truc, j’aime bien mon cocon ! (rires) Le clan connaît un succès que je n’avais pas imaginé et m’offre de nouvelles perspectives mais je ne cours pas après la notoriété ou la reconnaissance. C’est primordial de ne pas se perdre, même quand je jouais mon one-man sur Paris, je rentrais chez moi chaque semaine pour voir ma petite famille, mes amis, mon chez moi… J’adore mon métier mais j’ai toujours fait en sorte de garder en mémoire que ce n’était justement qu’un métier… C’est un univers magique mais je ne veux pas qu’il passe avant ma vraie vie…
Cinq corses mais cinq personnalités…
Jean-François Perrone : On est tous particuliers, il ne faut pas qu’on nous confonde… (rires) Nos personnages sont un peu comme nous, on les interprète avec nos travers et nos qualités, c’est ce qui leur donne, je crois, cette véracité, cette humanité…
Philippe Corti : C’est vrai qu’on est tous les cinq assez différents mais le fait qu’on vienne du même « pays » nous a donné des mentalités assez proches… On se retrouve souvent sur nos manières de voir la vie, de considérer les gens et de leur parler.
Écrire pour plusieurs personnes, c’est différent ?
Éric : C’est surtout dans les mécanismes d’écriture que ça change un peu par rapport au one-man car une pièce raconte une histoire sur la longueur avec des persnnages récurrents. C’est vraiment ce format qui est différent, il ne faut pas perdre haleine, il faut qu’il y ait une évolution, que les personnages aient sufisamment de relief pour tenir une heure et demie et qu’il y ait une unité de lieu et de temps… Dans le seul en scène, on est un peu comme un gamin dans sa chambre qui s’invente un monde imaginaire, on peut tout oser, tout envisager ! Dans une pièce, il y a plus de repères et de contraintes mais c’est aussi excitant qu’instructif !
Pourquoi cette 1ère pièce d’Éric Fraticelli vous a-t-elle séduits ?
Denis Braccini : Dès que je l’ai eue dans les mains, je me suis marré en la lisant et j’ai immédiatement imaginé les personnages ! Cette pièce a réellement été pour moi une évidence jusque dans sa construction… Elle est découpée en séquences, il y a une forme d’écriture burlesque et cinématographique un peu à la Tontons flingueurs ou Marx Brothers. C’est à la fois très drôle et inattendu, avec des petits moments de poésie et de tendresse…
Aurélia : Je me rappelle l’avoir lue en une heure dans le train et avoir ri comme une baleine tout le long ! (rires) L’humour est quelque chose de très délicat et quand on trouve qu’un texte est moyen à l’écriture, il sera souvent médiocre dans la phase de jeu, là c’était tout l’inverse alors ça m’a convaincue !
Philippe : C’est un type de pièce et un rire qui n’existaient pas, c’est un style de personnages que l’on n’avait plus vu depuis L’aventure c’est l’aventure ou Les tontons flingueurs et surtout, c’est l’écriture d’Éric ! Je crois que même sans la lire, connaissant sa patte, j’aurais accepté et puis, il nous a tous choisis sans nous faire passer de casting et ça, on a beau dire, c’est très flatteur… Rien que pour ça, on a envie en retour de lui donner tout ce qu’il attend.
Jean-François : Éric est un véritable ami depuis une quinzaine d’années, il n’y a pas trois jours qui passent sans qu’on se contacte alors j’ai beaucoup assisté à son écriture, ses one-man, ses duos avec Tzek… Il fait preuve de détermination, il a des idées nouvelles à chaque fois donc je n’avais aucune peur ni aucun doute quant au rendu de cette pièce…
© Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson au festival Les Nuits Auréliennes de Fréjus • Photos droits réservés
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