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Interview de Paul Personne pour Le Mensuel en 2013
PAUL PERSONNE
« Il ne faut jamais tromper les gens, il faut être sincère avec eux,
après qu’on leur plaise ou pas, c’est autre chose…
»Que tous les jeunes groupes de rock se rassurent, nul besoin de chanter en anglais pour installer durablement une carrière ! Car à l’instar de bon nombre de rockeurs, Paul Personne a connu le succès au moment même où il a accepté de ne pas renier sa langue natale dans les textes de ses chansons. Virtuose de la guitare et amateur de belles mélodies, il vous devoilera sur scène les deux faces de son diptyque «Personne à l’Ouest, face A & face B», fidèle à son savoir-faire, qui avec une pointe de nostalgie, rend hommage à nos bons vieux vinyls qui, contrairement au MP3, ne manquaient pas de charme…
Paul Personne : Oh j’aime bien les deux quand même, mais disons que j’ai une préférence pour la scène car c’est de là que tout est parti. Normalement, c’est d’ailleurs de là que tout part. Quand j’étais môme, on allait faire des concerts partout où l’on pouvait jouer, dans des clubs, dans des boites, sur des plages, dans les maisons des jeunes… Et un jour, si on avait de la chance, on pouvait rencontrer quelqu’un qui nous faisait enregistrer un disque ou signer dans une maison de disque. Le disque, on en rêvait mais ce n’était pas une fin en soi. Le truc était de jouer pour des gens et c’est toujours resté comme ça. Maintenant le problème s’est un peu inversé et aujourd’hui on fait enregistrer un disque à quelqu’un, on le fait passer à la télé et si ça marche bien, éventuellement, on l’envoie sur la route. Moi, je ne m’occupe pas vraiment de tout ça. Je fais des disques parce que j’ai envie de raconter des choses avec de nouvelles musiques que j’ai en tête et ensuite je pars sur la route parce que j’aime par dessus tout aller à la rencontre des gens pour leur proposer une soirée de musique, d’émotions et de petites histoires que j’ai à raconter. On partage quelque chose ensemble. Mais j’aime bien le studio aussi, c’est vachement chouette ! D’abord, on n’a pas le trac en studio, on est peinard parce qu’on peut recommencer alors que sur scène c’est sans filet. Ce qui est sympa, en studio, c’est de voir des choses qu’on avait en tête sortir de l’ombre, peu à peu, pour finir sur une bande magnétique ou dans un ordinateur et de pouvoir se dire que c’était bien ça que l’on voulait obtenir voire même encore mieux que ce que l’on voulait ! J’aime bien les deux. D’un côté, on est peinard et de l’autre, il y a une pression, un petit challenge, une communication, un partage qu’on n’a évidemment pas en studio !
C’est vrai qu’aujourd’hui c’est très formaté. Il faut faire un single suivi d’un album, puis la promo télé et radio pendant un bon moment et peut être, seulement après, de la scène. Mais vous ne vous êtes jamais plié à ce rythme-là…
Oui même si j’ai vécu moi aussi ce genre de trucs comme tout le monde. Il y a les choix des singles, les volontés de la production, la promo habituelle, ou inhabituelle… (rires) On vient y parler du travail qu’on a fait et il y a, il faut l’avouer, des moments plus ou moins agréables dans ce genre de « service après-vente ». C’est pour ça aussi que je ne fais pas tout ce qu’on me propose de faire. Et ensuite, enfin, on part sur la route. Ce qui est regrettable aujourd’hui c’est qu’on essaye de faire de certaines personnes des « stars » avant même qu’elles aient prouvées quoi que ce soit et on les envoie sur la route, comme ça sans préparation, ni filet…
C’est très dur et on oublie souvent que c’est un énorme travail d’être sur scène, il faut d’excellentes conditions physiques et mentales. Ce n’est pas comme entrer en studio et recommencer plusieurs prises pour un résultat quasi parfait. Il faut que l’artiste soit armé pour tenir toute une tournée…
Oui, c’est vrai… C’est pour ça qu’il faut de l’expérience pour partir à la rencontre du public. Pour moi la scène c’est : « chaque soir est un nouveau soir ». Il ne faut pas faire le même truc tous les soirs, dire la même chose aux gens, ni proposer la même liste de chansons. Selon que la salle soit assise ou debout, les gens n’auront pas la même perception de la musique, la fatigue ne sera pas la même pour eux. Dans notre tournée, la longueur du concert peut être modifiée ainsi que l’ordre des chansons. J’improvise pas mal également au niveau guitare. J’aime bien que chaque soir soit un nouveau soir. Tous les publics sont un peu différents suivant les régions et selon leurs humeurs. On ne peut pas calibrer ce genre de choses. Je fais ça depuis que je suis gosse et quand je devais faire trois passages d’une heure dans une boite, c’était vrai que le troisième passage commençait à devenir difficile ! (rires) Il fallait trouver la tisane, le bon miel, le citron, le remède miracle qui allait me faire tenir jusqu’à la fin de cette troisième partie ! Ce n’est pas de tout repos d’être musicien mais c’est aussi un truc super. Je n’ai jamais fait ça comme un métier même si c’est devenu ma manière de vivre et de subsister… Ça a toujours été un truc passionnel ! Dès tout gosse je voulais être musicien quand je voyais les Beatles, les Stones, Hendrix, Clapton ou Bob Dylan, ça me faisait rêver. Il n’y a jamais eu une question de pognon.
C’est peut être aussi pour cela que vous êtes toujours là…
Oui j’espère que ce système fatigue les gens, parce qu’il en a un peu marre qu’on les prenne pour des cons. On peut imposer certaines choses et souvent les gens prennent ce qu’on leur donne, mais c’est bien aussi que les gens aillent chercher ailleurs, qu’ils n’avalent pas tout cru ce qu’on leur refile. Je pense qu’il y a certaines émissions qui mériteraient de faire moins d’audimat mais c’est aux gens de décider et de se mettre là où ils ont besoin d’être parce que ça leur plait, qu’ils sont séduits et qu’ils ont trouvé quelque chose de bien. Il ne faut jamais tromper les gens, il faut être sincère avec eux, après qu’on leur plaise ou pas, c’est autre chose… Il ne faut pas essayer de leur faire du charme à deux balles !
Depuis que vous faites votre carrière en solo vous avez choisi le français. Pour quelles raisons ? Car dans le rock, surtout à l’époque, ce n’était pas une évidence de se lancer en français.
Cela n’a jamais été une évidence face à la musique de tendance anglo-saxonne. Quand j’étais môme et que je chantais dans des groupes, on chantait en anglais, c’était la tendance. Puis vers l’âge de 15 ans, j’ai commencé à composer mes premières chansons. J’ai signé (enfin mes parents à l’époque) mon premier contrat dans une maison de disques, chez EMI, Pathé-Marconi, le même label que mon groupe préféré, les Beatles, j’étais content ! (rires) Quand je créais un truc vraiment original et perso, c’était en français et quand c’était pour le fun, pour rigoler, c’était plus souvent en anglais. Il y a eu aussi une période où j’ai eu envie d’aller jouer autre part qu’en France, en Hollande, en Allemagne, en Suède ou en Angleterre par exemple et au bout d’un moment, je me suis surpris à chanter en anglais. Étant en France, j’ai trouvé ça franchement ridicule ! C’est comme si je vous répondais en anglais à votre question en français. Ça fait un peu « mytho ». Et j’ai trouvé ça plus intéressant même si l’exercice était plus difficile, de faire swinguer les mots en français et de raconter mes histoires avec les mots de ma culture. On s’habitue à une manière de parler, à un argot et puis on lit des bouquins, des poésies… Ma culture est française même si ma culture musicale à l’époque était complètement dérivée vers l’Angleterre. C’est pour cette raison que j’ai essayé de mélanger les deux mondes et que j’essaye toujours de le faire.
Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson pour Le Mensuel
Interview à paraître dans l’édition n°336 d’Avril 2013
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