INTERVIEW
Gérald Dahan en interview
On connaît évidemment Gérald Dahan pour ses imitations et ses fameux canulars téléphoniques et donc, lorsque l’on pense à lui, ce sont avant tout ses prouesses vocales qui nous viennent à l’esprit… Pourtant, bien qu’il use de ce singulier talent tout au long de son nouveau spectacle Présidents, c’est en silence qu’il a choisi d’achever ce dernier… Uniquement par le biais d’attitudes, de gestuelles et de mimiques, l’imitateur réussit à donner vie, comme par illusion d’optique, à des DSK, François Hollande, Rowan Atkinson (alias Mr Bean) ou encore Patrick Timsit plus vrais que nature ! C’est d’ailleurs ainsi qu’il a débuté étant enfant et c’est toujours comme ça qu’il commence à travailler ses caricatures. Observateur, curieux et plein d’empathie, c’est en comprenant la personne et en s’en appropriant le langage corporel qu’il réussit à, presque naturellement, en restituer la voix…
dans « Présidents » à St Tropez le 29 décembre 2017 • À St Raphaël le 17 mars 2018
« Les hommes politiques ont fini par devenir de véritables vedettes de télé-réalité… »
Morgane Las Dit Peisson : Tu sors tout juste de scène et le public méditerranéen, pourtant réputé pour être difficile, était debout à la fin…
Gérald Dahan : Et ce qui est bon signe, c’est que ce n’était pas uniquement pour sortir de la salle ! (rires) C’est vrai que le public du sud a la réputation d’être assez peu expressif, du coup, quand on voit une salle entière se lever pour applaudir, ça réjouit encore plus. Après le spectacle, je me sens automatiquement vidé, un peu ailleurs mais enrichi du bonheur d’avoir vécu une si bonne soirée.
Ton nouveau spectacle, Présidents, en fait défiler quelques-uns…
Il y a des présidents de la République ou de groupes parlementaires… Je ne suis pas sectaire, il y en a pour tous les goûts ! (rires) Qu’ils soient retraités, évincés, encore en activité ou en période d’élection, les présidents – et les hommes politiques en général d’ailleurs – sont des sujets extrêmement inspirants car ils nous proposent, depuis quelques années, de véritables feuilletons ! (rires) Désormais, via Internet et la télé, on suit leur quotidien, leurs aventures, leurs déceptions et leurs coups bas au point qu’ils ont fini par devenir de véritables vedettes de télé-réalité… On attend leurs dérapages, les visites officielles, leurs coups de gueule et à chaque fois, heureusement pour nous humoristes et malheureusement pour notre pays, ils nous en donnent pour notre argent !
Ils sont une source inépuisable d’inspiration…
Et ils sont tellement inventifs qu’il m’est souvent arrivé d’écrire des sketchs qui se sont rapidement trouvés dépassés tant l’actualité politique change à une vitesse folle. À l’heure des réseaux sociaux et des chaînes d’info en continu, il faut réussir à suivre le rythme et surtout à être encore plus original que ceux que l’on imite tant ils repoussent la barre du ridicule de plus en plus loin… Maintenant les hommes politiques twittent et ils le font souvent plus vite qu’ils ne pensent, il faut être au niveau !
Nos votes se sont adaptés à ça…
En grande partie à cause d’eux, on ne vote plus vraiment pour quelqu’un mais surtout contre quelqu’un et ça nous donne des présidents un peu « par défaut » ainsi que des situations politiques assez inattendues comme la pré-cohabitation que l’on a pu observer lors des dernières élections présidentielles… C’est une nouvelle ère qu’il faut réussir à bien comprendre pour la rendre efficace sur scène.
Le rythme effréné des politiques obligent les humoristes à adopter le même…
Avant même de monter sur scène, j’étais en effet encore en train d’écrire des textes sur la visite surprise de Brigitte Macron en Arabie saoudite et c’est là que j’ai trouvé la petite vanne sur « le Coran alternatif » que j’ai insérée dans le spectacle… Elle aura sûrement une durée de vie très courte et sera remplacée par une autre actualité mais, même s’il faut reconnaître que c’est prenant et parfois fatigant, ce rythme de travail me permet de toujours me renouveler et ne jamais m’ennuyer en évitant la routine…
L’avantage pour un spectateur qui revient plusieurs fois, c’est qu’il ne voit jamais exactement le même spectacle…
Le titre et le fil conducteur restent les mêmes mais c’est vrai que quand j’ai commencé Présidents pendant la période des primaires, j’ai travaillé des hommes politiques comme François Fillon, Philippe Poutou ou Manuel Valls que j’ai ensuite dû ranger dans un tiroir tant on a assisté à un incroyable défilé de personnalités qui ont complètement chamboulé le casting ! (rires) Ils vont très certainement ressortir de leurs boîtes un jour mais en attendant, j’emmène entre autres sur la route Emmanuel Macron, Jean-Luc Mélenchon et Édouard Philippe face à qui je suis encore un peu perplexe car il parle peu et n’a pas la même voix entre le matin que l’après-midi… Ce dernier est difficile à cerner !
Ton métier t’oblige à parfois aller vers des personnalités qui, en imitation, ne t’inspire pas toujours…
C’est vrai mais avec notre nouveau président j’ai eu de la chance ! Il a bouleversé l’échiquier politique, il a un petit défaut de prononciation, il essaye d’être tout le temps très sérieux, il est beaucoup dans la retenue, a des petits tics et est toujours à deux doigts d’éclater, c’est très intéressant à étudier…
© Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson au festival Les Royal’s du Rire de Mandelieu • Photos droits réservés
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