COUPS DE COEUR
Philippe Touzel en interview pour la comédie musicale « Je vais t’aimer »
« On est chanceux et privilégié de pouvoir travailler dans des conditions pareilles… » Philippe Touzel
Dans la peau d’Antoine, l’artiste québecois Philippe Touzel revient sur sa passion pour le théâtre musical à l’occasion de la fin de la tournée du spectacle Je vais t’aimer qui se jouera à Nice et à Aix-en-Provence les 12 et 13 décembre prochains… Plus d’infos dans l’article !
Philippe Touzel en interview pour la comédie musicale Je vais t’aimer
interview / tournée / spectacle / comédie musicale
- 12 décembre 2024 / 20:00 / Nice / Palais Nikaïa / infos & billetterie ici !
- 13 décembre 2024 / 20:00 / Aix-en-Provence / Arena du Pays d’Aix / infos & billetterie ici !
Morgane Las Dit Peisson : Un petit accent québécois…
Philippe Touzel : Oui, je suis le Québécois de la bande ! Et fier de l’être ! (rires) Depuis 5 ans que je suis en France, il s’atténue un peu et quand je suis sur scène, il disparaît complètement ! En tant que comédien, on t’apprend à jouer « neutre ».
En revanche, lorsque je parle avec mes amis, ça revient naturellement et quand je suis au téléphone avec ma mère, ça ressort encore plus ! (rires)
Quand tu prépares un rôle, en plus de la psychologie du personnage, des chansons et des déplacements, tu as un effort supplémentaire à fournir pour gommer cet accent ?
C’est drôle que tu dises ça parce que je n’ai pas trop le sentiment de faire des efforts supplémentaires par rapport aux autres artistes… Par contre, c’est vrai que quand je suis un peu plus fatigué ou si je viens de retourner travailler sur une production au Québec, l’accent revient à certains endroits. Le régisseur de Je vais t’aimer me l’a fait remarquer quelques fois alors dans ce cas précis, ça me demande une petite concentration. En même temps, jouer au théâtre oblige à projeter, à jouer grand et à exagérer donc l’accent devient presque un détail ! (rires) Mais s’il fallait incarner un Français pure souche sans avoir à chanter, ce serait sûrement une autre affaire…
Dans tous les cas, j’assume d’être Québécois car ça me différencie des autres, ce n’est pas mal…
Tu es arrivé en France pour le spectacle Ghost…
Oui, je suis arrivé ici pour le boulot en 2019 puis il y a eu le Covid qui a un peu interrompu le quotidien de tout le monde et, à ce moment-là, je me suis dit que ça pouvait être un bon défi de tout recommencer dans un autre pays que le Québec, où j’étais déjà plus établi. Je suis reparti de zéro en France tout en ayant la chance d’avoir une vie professionnelle super belle me permettant de travailler dans les deux pays… Je suis très heureux de vivre comme ça !
Bien sûr on parle la même langue donc ça aide à l’intégration, mais quand tu as un petit coup de blues, le Québec reste loin…
En effet, c’est parfois un peu dur d’être loin de sa terre natale, loin des siens… La passion de mon travail m’aide à tenir évidemment, mais c’est surtout le fait que j’aie rencontré quelqu’un ici et que je me sois marié. C’est mon ancrage et c’est avant tout pour ça que je suis resté.
Tu n’es pas uniquement resté pour la mauvaise humeur des Parisiens donc ?
(rires) Non ! Et d’ailleurs, je tiens à dire que je ne l’ai pas trop ressenti à mon arrivée. J’ai peut-être eu de la chance, mais je suis tombé sur des personnes plutôt gentilles et pas de trop mauvaise humeur ! (rires)
J’aime profondément la France donc je suis heureux d’y vivre, bien que je me sente aussi équilibré grâce au fait que j’arrive à continuer à visiter ma famille et mes amis, en travaillant au Québec. Ça m’aide à garder cette balance et à ne pas avoir l’impression d’avoir tout quitté…
Quand je pars, je dois choisir des projets qui ne sont ni trop courts ni trop longs… En 2023, j’ai travaillé sur Hair au Québec pendant 7 mois et ça a été merveilleux !
Tu es dans le spectacle Je vais t’aimer depuis sa création…
Oui, mais je n’ai pas créé le rôle d’Antoine que je joue en ce moment car j’ai eu un cheminement assez particulier sur ce projet. J’ai été engagé, au départ, en tant que doublure des trois personnages principaux : Thomas, Antoine et Léo. Ça veut dire que je devais tous les connaître ! Ça a été un bon défi pour moi ! (rires)
Je fais ce métier depuis que j’ai 12 ans, j’ai eu beaucoup de beaux et premiers rôles au Québec, donc ça a été un exercice enrichissant pour moi – tant du côté professionnel qu’humain – de devoir assimiler ces 3 rôles pour ne les camper que de temps en temps, au pied levé. Ça oblige à mettre ton ego de côté quand tu n’es pas un des comédiens attitrés et surtout, ça t’apprend énormément tant c’est exigeant.
Pendant la première année de tournée, je n’étais que doublure, puis, au départ de Tony Bradley, j’ai repris son rôle d’Antoine. Je suis ravi de le défendre car des 3, c’est celui que je préférais !
Et puis, même si l’équipe me connaissait, je crois que ça a permis de donner un nouveau souffle au spectacle car quand un nouvel acteur arrive sur un rôle, il a une autre façon de l’interpréter, il apporte des nuances différentes et ça redonne du peps à tout le monde.
Je vais t’aimer n’est ni de l’imitation ni du tribute, mais une véritable création avec une histoire racontée par les chansons de Sardou, mettant en scène des personnages…
C’est la première raison pour laquelle j’étais intéressé à participer à ce projet. Évidemment, même si on ne l’imite pas et qu’on embarque le public dans une épopée, il y a toujours de petites comparaisons car il y a des fans très fidèles dans les salles… Mais ce qui est beau, c’est qu’on réussit à leur faire (un peu) oublier les versions originales.
Ce sont ses chansons mais ce n’est pas un spectacle sur Michel Sardou et c’est d’ailleurs ce qui plait à ceux qui « accompagnent » ses fans. Certains nous disent avoir été conquis par l’histoire, par les personnages et par la réinterprétation. C’est tout le travail du metteur en scène et de l’équipe de création… C’est respectueux et innovant à la fois.
Et puis, ce spectacle rappelle que ces chansons sont les témoins de nos vies. Elles sont politiques, sociétales, engagées, sentimentales…
Je suis un adepte de théâtre musical et quand tu écoutes les chansons de Sardou, tu t’aperçois qu’elles sont très cinématographiques car il raconte une histoire dans chacune d’entre elles. Il y a sûrement des choses personnelles, mais il le dit lui-même, il donnait vie à un personnage à chaque fois.
J’interprète un morceau qui s’intitule Le privilège dans laquelle un jeune homme fait son coming-out. Évidemment, on sait tous que Michel Sardou n’est pas homosexuel, mais il a tout de même réussi à l’incarner avec sincérité.
« Je vais t’aimer » : Le répertoire de Michel Sardou en comédie musicale en tournée
C’est vrai que toutes ses chansons ressemblent à des nouvelles…
Exactement et je crois que c’est ce qui fait que ça fonctionne aussi bien en mode « comédie musicale ». Les textes aident réellement à raconter l’histoire…
Quelle est justement l’histoire d’Antoine ?
Quand le rideau s’ouvre, on est en 1962 et on suit des amis qui vont monter à bord du bateau Le France pour se rendre à New York. Ensuite, on va assister à leur évolution sur quatre décennies, jusqu’en 2004… Parmi eux, il y a Antoine, le bon ami, le bon gentil. On a tous quelqu’un comme lui dans notre entourage, celui qui n’est pas le leader, mais qui va toujours s’assurer de l’équilibre du groupe pour que tout le monde s’entende bien. Il est très doux et bienveillant, mais il a aussi des convictions.
C’est un rôle passionnant à jouer car on va découvrir qu’il est homosexuel et qu’il a vécu une relation qui ressemblerait à ce qu’on appelle un trouple aujourd’hui. Ça nous replonge dans les années 70/80, où il y avait les prémices d’une liberté sexuelle… Il a également élevé un enfant qui n’est pas le sien…
En fait, c’est un personnage que j’adore car il est très touchant et parce qu’il évolue énormément pendant les 2h30 de spectacle.
40 ans se déroulent sous nos yeux, ça signifie que le jeu, le physique, les attitudes et les postures des comédiens changent…
C’est hyper enrichissant de pouvoir faire ça quand on est comédien ! Mais bizarrement, sur scène, j’ai l’impression qu’on vieillit assez naturellement, sans trop forcer le trait, du coup on ne s’en rend pas bien compte… Je l’ai réalisé en voyant des captations où je suis en costume avec les cheveux blanchis… D’ailleurs, sans l’avoir particulièrement travaillé, je me suis aperçu que ma voix devenait un peu plus basse au fur et à mesure du spectacle, moins dynamique, comme si le poids des années se faisait sentir.
Une bonne partie du premier acte se déroule à la même époque, celle où l’on est jeunes, heureux, fringants, où l’on n’a encore jamais vraiment eu de problème et où l’on découvre la vie… Puis on traverse 4 décennies avec son lot d’aléas ! (rires) C’est passionnant à jouer !
Il y a Je vais t’aimer, il y a eu Ghost, Hair, Grease, La mélodie du bonheur… Qu’est-ce qui te plaît autant dans les comédies musicales ?
Au Québec, on est plus proche du côté anglo-saxon et donc du théâtre musical. On est habitué à raconter une histoire en jouant autant qu’en chantant, ça fait partie de notre ADN.
Au théâtre, face à une scène, une réplique, une histoire ou un acteur, tu peux être touché ou bouleversé mais, lorsque tu ajoutes une notion musicale à ça, tu pars encore plus loin, ça ajoute des émotions incroyables ! Avec la musique, j’ai l’impression que tout est plus fort, je crois que c’est pour ça que j’aime autant cet exercice…
Et puis c’est le résultat d’un assemblage de savoir-faire et de talents…
C’est merveilleux de faire une comédie musicale rien que pour observer tous ces corps de métiers qui œuvrent et sur Je vais t’aimer, on a vraiment une équipe de création – que ce soit à la technique, au son, à l’éclairage, aux costumes, aux coiffures, au maquillage ou à la scénographie – de très haute qualité. On réalise chaque soir à quel point on est chanceux et privilégié de pouvoir travailler dans des conditions pareilles…
Notre metteur en scène – Serge Denoncourt – vient, à l’origine, du milieu du théâtre et j’ai l’impression que c’est ce qui fait sa différence. Il a des visions des tableaux véritablement percutantes pour les spectateurs.
Le bonheur d’une comédie musicale c’est également l’esprit de troupe et la tournée, qui se termine par Nice le 12 décembre et Aix le 13…
Ça fait trois ans maintenant qu’on fait des tournées avec Je vais t’aimer, mais c’est la première fois que je pars aussi longtemps et que je peux découvrir le pays. C’est vraiment une chance, même si c’est rapide, de pouvoir aller dans différentes villes et de rencontrer le public. Selon les endroits, il est plus chaleureux ou plus dans la retenue et c’est humainement extraordinaire à vivre ! Ne serait-ce que pour l’expérience de troupe… On finit par cohabiter comme une petite famille, c’est très marrant à observer.
Le 13 décembre, ce sera, à Aix, la dernière de notre tournée alors on est déjà dans la nostalgie. On a commencé depuis quelques séances, à décompter les dates restantes et on sent bien qu’on chante les chansons d’une façon un peu différente…
C’est très fort de pouvoir partir en tournée aussi longtemps, avec les mêmes personnes… Ça crée des liens, des amitiés, des petits accrochages aussi parfois ! (rires) C’est une chance de vivre une telle expérience !
© Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson pour Le Mensuel / Photos Thomas Vollaire
↵ Retour vers la rubrique « interview »
You must be logged in to post a comment Login