INTERVIEW
Marie-Anne Chazel en interview
Si bon nombre de femmes en France ont secrètement rêvé d’un jour convoler avec Michel Sardou, la pièce Représailles devrait définitivement les vacciner ! Mari volage sur scène, le porte-parole de La maladie d’amour devra faire face à la colère tempétueuse d’une Marie-Anne Chazel « cocue » qui risque fort de ne reculer devant rien pour assouvir son désir de vengeance… Une pièce évidemment bien plus drôle que le polar Cross dans lequel ils étaient mariés pour la première fois mais qui rappelle tout de même que l’amour peut malheureusement être très cruel…
Représailles
À Nice le 03 décembre 2016
« Quand on est comédien, c’est important avant tout, de savoir mettre son ego de côté… »
Vous êtes en pleine tournée avec Représailles, ce n’est pas parfois fatigant ?
Marie-Anne Chazel : Être sur scène procure un plaisir monstre mais c’est vrai que malgré le charme des tournées, une fatigue physique finit toujours par se faire sentir. On change d’hôtel continuellement, on est énormément sur la route, on est très peu chez nous et pourtant, même quand on est épuisé, on ne peut pas s’en passer ! (rires) C’est plus fort que nous et l’appel du jeu, de l’aventure et du public nous fait tout oublier…
Une tournée assez conséquente, tant en termes de dates que de moyens humains…
On a, c’est vrai, la chance d’être une belle équipe autant sur scène que dans les coulisses car Représailles est une pièce qui, comme n’importe quel autre spectacle d’ailleurs, ne pourrait exister sans toutes ces personnes qui s’affairent dans l’ombre pour que nos six personnages prennent vie sur scène. Les gens oublient souvent d’en parler pourtant, les techniciens arrivent toujours avant nous avec les décors et les costumes et repartent toujours après avoir tout démonté et rangé c’est à dire après nous, ils font vraiment partie intégrale de cette troupe avec laquelle j’ai la chance de travailler alors que de nos jours, pour des raisons économiques, les pièces qui exigent de nombreuses personnes tournent de moins en moins.
En parlant de troupe, La troupe à Palmade a repris Le Père Noël est une ordure…
On est tous venus les voir jouer et évidemment on était très touchés qu’ils reprennent notre pièce. Ce qui m’a frappée quand j’y suis allée, c’est l’acuité des souvenirs… C’est incroyable comme tout m’est revenu avec une impressionnante précision alors que ça remontait à plus de trente ans ! J’ai eu le sentiment de vivre un véritable bond dans le passé au point d’avoir la sensation que c’était moi qui jouais sous mes propres yeux… Mes débuts avec la troupe du Splendid sont, je crois, imprimés dans mon subcon- cient d’une façon indélébile, ça fait presque partie de mes gènes… Je n’imaginais pas que ce serait si fort !
Vous avez vu passer ces années si pleines et intenses ?
Non, je n’ai rien vu passer… Ce n’est qu’une fois que le temps a filé que l’on s’en aperçoit car je crois qu’on ne peut pas y prêter attention quand on vit les choses intensément. Avec le recul, on regarde un peu en arrière et là, oui, les expériences accumulées nous sautent aux yeux au point, souvent, de nous donner l’impression d’avoir vécu une autre vie ! (rires) À l’époque, on n’avait pas conscience de ce que l’on était en train de créer, on ne l’imaginait pas et surtout on n’y pensait pas ! Pas une seconde on aurait pu avoir la prétention d’un jour faire partie de la mémoire et de l’affection des gens… On était dans l’action, dans l’instant, dans la passion !
Et dans l’autodérision…
Je crois que c’est un point essentiel dans l’humour et c’est peut-être quelque chose qui se perd un peu. Quand on est comédien c’est important, avant tout, de savoir mettre son ego de côté pour se ridiculiser, s’enlaidir, se moquer de soi-même. Dans Représailles, c’est d’ailleurs ce qui fait tant rire le public. Michel Sardou est une immense star qui a vendu des dizaines de millions d’albums et pourtant, ce qui est formidable, c’est qu’il a accepté d’endosser un personnage qui a énormément de défauts ! Dans la pièce, il est râleur, de mauvaise foi, menteur, infidèle et donc loin d’être héroïque ! (rires) Il aime la comédie au point d’écorner un peu l’image parfois fantasmée que certains peuvent avoir de lui et je trouve que c‘est une preuve de grande intelligence artistique.
Donc Michel Sardou vous trompe…
Oh oui mais c’est assez banal non ? (rires) En fait, dans la pièce, on est un couple très représentatif des « quinqua » d’aujourd’hui qui, après de longues années de mariage, des enfants et une réussite professionnelle à quatre mains, sont frappés par l’infidélité. Je vais donc découvrir que mon mari me trompe et comme je ne suis pas d’un caractère très doux et très docile, et surtout que je suis épouvantablement humiliée et blessée par cette nouvelle, je vais décider de me venger d’une façon tout à fait particulière… Bien évidemment, ça ne va pas m’emmener là où je l’espérais et ça va provoquer toute une ribambelle de rebondissements qui aboutiront sur la révélation d’un secret de famille.
Éric Assous est devenu un Feydeau contemporain qui fait constamment exploser la vérité alors qu’habituellement, seul le public sait tout…
C’est très juste, Éric Assous n’hésite en effet pas à mettre ses personnages face à la vérité alors que la plupart des pièces de boulevard avaient tendance à cacher les tromperies derrière des quiproquos jusqu’à ce que les protagonistes finissent par se remettre dans le droit chemin. Je crois que c’est vraiment un auteur de son époque et d’une très grande finesse. Il a un réel don d’observation et sait mettre en valeur toutes ces rivalités intimes, ces tensions et ces incompréhensions qui nous animent. Plus que les relations de couple, c’est le mensonge, je crois, qui est au coeur de son écriture.
Dans Représailles, ce qui est encore plus cynique c’est que vous allez découvrir le pot aux roses le jour du mariage de votre fille…
C’est vrai… J’espère que ça ne va pas décourager les futurs mariés qui viennent nous voir ! (rires) Surtout que notre fille, dans la pièce, n’est pas beaucoup mieux lotie ! Il faut admettre que l’auteur a tout de même assez peu d’optimisme sur la notion de couple et de mariage… Je ne crois pas qu’à ses yeux ça représente un quelconque remède aux difficultés de la vie, au contraire – pour parler vulgairement – c’est source d’emmerdements ! (rires) Ça me rappelle la très belle citation de Lacan… « L’amour c’est donner ce qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas », c’est terrible mais c’est si vrai ! (rires)
Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson • Photo droits réservés
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