INTERVIEW

Alexandre Brasseur en interview

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Dans la peu d’un grand-père qu’il n’a pas eu le temps de connaître, Alexandre Brasseur, son digne héritier, a choisi de nous dévoiler non pas l’histoire personnelle de ce monument du cinéma français mais celle de la création du film Les enfants du Paradis dans lequel il tenait un des rôles principaux. À l’heure où – bien que 73 ans nous séparent de la réalisation de ce long-métrage – nous prenons tous conscience que nos libertés sont de nouveau en danger, le texte imaginé par le comédien ne peut faire qu’écho à notre triste actualité… S’il est essentiel de ne rien oublier, il l’est encore plus de combattre ceux qui ont exécuté 300 journalistes syriens depuis le début du conflit ou qui ont mitraillé une rédaction entière à Paris…


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Brasseur et les enfants du paradis
À Paris jusqu’au 26 décembre 2016

 


« À leur manière à eux, avec leurs armes à eux, ils ont été des combattants… »


Brasseur et Les enfants du Paradis

Alexandre Brasseur : C’est un spectacle qui a « pris naissance » à la Cinémathèque de Paris vers 2012/2013 lors de l’exposition sur le film Les enfants du Paradis et qui a ensuite été conçu en plein coeur du quartier Latin, chez Daniel Colas, l’auteur et metteur en scène… On a énormément étudié et discuté du sujet avant de se lancer dans l’écriture de Brasseur et Les enfants du Paradis qui a finalement réussi à voir le jour au bout de trois ans de travail.

C’était rassurant de l’interpréter en création cet été au Festival de Ramatuelle où tu es un peu chez toi ?

Non… Pas du tout ! Au contraire ! (rires) J’étais très tendu à l’idée de jouer cette création à Ramatuelle, j’ai sincèrement ressenti une grande pression que je me suis collée tout seul comme un grand ! (rires) C’est un spectacle qui est très très chargé en émotions alors j’ai encore moins le droit de me planter que d’habitude et j’ai envie, à chaque représentation, d’être à la hauteur de l’idée que je m’en fais. C’est important de bien faire les choses que ce soit par respect pour les gens qui m’ont fait confiance, pour la mémoire des anciens et pour mes enfants à qui je souhaite transmettre cet héritage.

Quand on s’investit autant dans un projet, arrive-t- on à jouer sereinement ?

En tous cas, on essaye de tout faire pour… Il faut, c’est vrai, réussir à se libérer des contraintes et des ques- tions d’organisation, de financement et d’enjeux pour ne se donner qu’au spectacle en tant que tel… Le secret, je crois, c’est le travail… À force d’avoir travaillé l’écriture, étudié le texte et répété studieusement, je me suis emparé des mots et de la mise en scène alors le dernier point qu’il reste à « maîtriser », c’est celui qui est remis en jeu chaque soir, c’est l’abandon de soi… Et ça, honnêtement, c’est le plus compliqué !

Brasseur et Les enfants du Paradis n’est pas une histoire sur ta famille…

En effet, beaucoup ont cru que j’allais me raconter dans ce spectacle mais ce n’est pas le cas du tout. Ce qui m’a intéressé, c’était de partager avec le public la genèse de ce film culte réalisé par Marcel Carné, sans tomber non plus dans une adaptation scénique. Mon spectacle, c’est Pierre Brasseur, mon grand-père, qui se souvient des conditions dans lesquelles est né ce chef d’oeuvre du cinéma français…

Raconter l’histoire de cette oeuvre, c’est raconter un bout de notre Histoire à tous…

C’est exactement l’enjeu de ce spectacle… Finalement, parler du film n’est quasiment qu’un prétexte pour parler de la liberté. Il faut se rappeler que Les enfants du Paradis a été créé en 1943, sous l’occupation allemande et qu’à cette époque, toutes les productions étaient contrôlées par la censure de Vichy… Carné, Prévert et les autres n’étaient pas libres, on a essayé de les museler comme tous les autres artistes à cette époque, et c’est réellement cette question là qui m’a animé. Comment rester un artiste quand on n’est pas libre d’exprimer ses sentiments et ses choix ?

Et l’équipe créatrice n’était pas tout à fait dans le « moule » de l’époque…

Ils n’avaient pas vraiment choisi la facilité ! (rires) Jacques Prévert – l’auteur – était un anarchiste anti- militariste résistant de coeur, Marcel Carné – le réalisateur – était homosexuel, Alexandre Trauner – décorateur – et Joseph Kosma – à la musique – étaient tous deux juifs hongrois, autant dire que le destin de ce film n’était pas tout tracé… Ils se sont tous réunis dans une maison à Tourrettes-sur-Loup qui dominait la vallée pour pouvoir surveiller les arrivées et qui avait une sortie vers l’arrière pour pouvoir s’enfuir. À leur manière à eux, avec leurs armes à eux, ils ont été des combattants et c’est important aujourd’hui encore de se rappeler combien on a besoin, bien sûr, des forces armées quand on est en danger, mais aussi des journalistes et des artistes qui défendent, à travers leur liberté de parole, nos libertés à tous…

Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson • Photo droits réservés

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