CINÉMA
Géraldine Danon, Stéphane Caillard et Loup Lamazou en interview pour le film « Flo »
« Florence a été une femme atypique… » Géraldine Danon
Amie proche de l’immense et regrettée Florence Arthaud, la réalisatrice de documentaires Géraldine Danon a choisi de lui consacrer son tout 1er long-métrage (elle est d’ailleurs en train de travailler sur le prochain)… Sobrement intitulé Flo, celui-ci nous entraîne dans l’intimité et la personnalité de cette femme hors du commun avec autant d’admiration que de respect et de tendresse. Un tournage intense réalisé en conditions réelles avec une jeune comédienne criante de vérité et de talent.
Géraldine Danon, Stéphane Caillard et Loup Lamazou en interview pour le film « Flo »
cinéma / biopic / film
- 01 novembre 2023 / au cinéma
Morgane Las Dit Peisson : Une tournée d’avant-premières pour le film Flo mais avant, il y a eu une projection exceptionnelle pendant le Festival de Cannes…
Géraldine Danon : D’une certaine façon, j’étais excitée ! C’est vrai que c’est un honneur d’avoir pu dévoiler ce film pendant le plus grand festival de cinéma, mais je m’aperçois avec cette tournée que chaque projection a la même importance. Il y a toujours cette petite crainte de décevoir et surtout cette envie irrépressible d’aller à la rencontre du public et de partager notre travail avec lui… Chaque passage dans un cinéma est une expérience nouvelle, j’y découvre que chaque public est réellement différent et pourtant, l’accueil est à chaque fois chaleureux et les retours enthousiastes donc l’équipe du film et moi-même sommes très heureux !
Notre région est intimement liée à l’histoire de Florence Arthaud…
Géraldine Danon : L’histoire de Florence touche évidemment des gens dans la France entière, et peut-être plus particulièrement des endroits comme la Bretagne où la mer est omniprésente mais il faut reconnaître que le film provoque beaucoup d’émotions ici dans le Sud… La Méditerranée était son terrain de jeu préféré, elle vivait à Marseille à la fin de sa vie donc ça fait « quelque chose » de présenter le film ici…
Flo est un portrait intime de la navigatrice, pas un panorama de ses exploits…
Géraldine Danon : C’est en effet un portrait de femme avant tout. Je voulais vraiment raconter cette femme extraordinaire qu’était Florence Arthaud, en avance sur son temps. C’était une féministe qui a ouvert la voie à toute une génération de skippeuses et qui a également été un exemple pour toutes les femmes que nous sommes. Et puis elle était un marin d’exception, admiré par tous ses confrères dont beaucoup étaient amoureux… Évidemment, il y a des images en mer parce que c’était son monde mais ce qui m’a passionné, ça a été de dévoiler la partition de sa vie et ce chemin incroyable qu’elle a parcouru. J’avais envie de lui rendre hommage tout en transmettant son parcours aux jeunes, car il est exemplaire à mes yeux et que je pense qu’on a besoin de femmes (et d’hommes d’ailleurs !) comme elle. Florence a été une femme atypique qui s’est affranchie de toutes les étiquettes, un modèle pour moi en plus d’avoir été une grande amie et la marraine de mon fils Loup…
Une amitié née dans les années 80…
Géraldine Danon : C’est assez curieux l’amitié… Avec Florence, on ne s’est jamais perdues de vue. J’ai eu plusieurs vies et parfois fait de grands écarts, mais on s’est toujours retrouvées. Elle était là, près de moi, à chaque épisode de mon existence pour me soutenir. J’ai essayé d’en faire de même…
Flo est votre première réalisation, c’était important de la dédier à cette amie-là ?
Géraldine Danon : Ça faisait longtemps que j’avais envie de passer à la fiction et je me suis aperçue que même dans mes documentaires, je glissais assez naturellement vers ça… Mais il fallait que ce soit évidemment un sujet qui me touche pour que j’ose sauter le pas ! Florence, je pense, méritait cet hommage et cette transmission mais je trouvais aussi en elle un écho à mes propres problématiques, ma personnalité et ma vérité. J’essaye de la raconter avec le maximum de vérité possible bien qu’elle soit toujours subjective puisque c’est la mienne et qu’elle fait appel à ma sensibilité. Pour un premier film, il y avait un peu tout ce dont j’avais envie : une histoire romanesque, un personnage féminin fort, la volonté de transmettre des messages mais aussi des traits de caractère qui me dévoilent un peu aussi par bribes.
Ce film ne pouvait pas reposer uniquement sur l’histoire, il fallait trouver « la » comédienne…
Géraldine Danon : Je crois que si je n’avais pas trouvé ma comédienne, j’aurais pu abandonner ce film ! Mais j’ai eu la chance divine de rencontrer Stéphane Caillard, qui interprète ce personnage avec beaucoup de force, d’intelligence de jeu, de grâce et d’intensité. Il fallait que je trouve une personne à la hauteur pour aborder toute la vie de cette femme avec toutes ses couleurs tout en étant capable de l’incarner de ses 17 à ses 55 ans, sans apparat, juste par l’intérieur et la finesse de son jeu. Stéphane a été une évidence. Dès que je l’ai rencontrée, je suis tombée sous le charme de cette façon bien à elle qu’elle a d’être totalement présente à l’instant tout en étant en partie « absente »… (rires) Ce n’est pas clair dit comme ça, mais j’ai aimé cette dualité qu’elle porte en elle ; cette force et cette fragilité, ce masculin et ce féminin, cette grande présence et ce recul en même temps, cette « légèreté » profonde…
Être le rôle principal, c’est un cadeau magnifique mais une immense responsabilité… Surtout quand il s’agit d’une personnalité qui a véritablement existé…
Stéphane Caillard : Ce qui m’a permis de réussir à faire ce film, c’est justement de ne pas penser à tout ça ! (rires) Je savais évidemment qu’il y aurait une certaine pression due au fait que je me glissais dans la peau d’un personnage qui avait réellement été en vie et auquel on porte beaucoup d’affection dans l’imaginaire collectif… Ce qui m’a aidé, je crois, c’est que le film soit réalisé par une femme qui l’a extrêmement bien connue. Et puis, j’ai été accompagnée et formée par des marins qui ont été très proches d’elle comme Philippe Poupon et Philippe Monnet. C’est tout un entourage qui s’est rassemblé autour de ce film et qui s’est, de fait, mobilisé à mes côtés pour m’accompagner mais aussi pour me transmettre un esprit, me raconter toute une époque, me dévoiler une femme qu’ils ont chérie, aimée mais aussi détestée, parfois, de voir gagner ! (rires) À travers leurs témoignages, ils m’ont raconté Florence mais aussi une partie de leur vie à eux, ça a été un tournage très enrichissant ! J’ai forcément, de temps en temps, ressenti un peu de pression mais entourée comme j’étais, par des gens qui avaient une envie folle que le film se fasse et par des marins qui finissaient par en devenir bavards (rires), je ne pouvais pas être accablée de stress ! Je n’ai vécu que des moments positifs et porteurs qui m’ont réellement aidée à avancer.
Un film tourné en conditions réelles, ça aide à devenir le personnage…
Stéphane Caillard : Un tournage comme celui-ci, en extérieur et surtout en pleine mer, demande en effet d’être mobilisée entièrement, que ce soit spirituellement ou physiquement… Donc ça aide à se plonger corps et âme dans le personnage. Ça a été un exercice assez sportif qui a demandé à tenir sur la durée car on a été dans plusieurs contextes de navigation. Entre le monocoque et le multicoque par exemple, les sensations ont été, pour moi, très différentes. On a connu des mers différentes et des climats différents, on était dépendant de choses qui, de toute évidence, étaient plus fortes que nous donc ça a rendu le tournage particulier… On partait au petit matin, on rentrait à la nuit avancée et entre deux, on récupérait des images comme on pouvait ! (rires) Ça a forcément été un tournage assez unique, mystérieux voire mystique, certainement grâce à la présence des deux vrais bateaux de Florence : celui sur lequel elle frôle la noyade au large du Cap Corse – L’Argade -, et le fameux Pierre Ier qu’on a rebaptisé Flo…
La mer est un monde que vous connaissiez déjà un peu ?
Stéphane Caillard : Ça ne m’était pas totalement étranger. Ma mère vient de Cherbourg et elle a beaucoup navigué, jeune, avec certaines personnes qui en ont fait leur métier. Florence Arthaud fait partie du patrimoine donc je connaissais son parcours dans les grandes lignes mais ce tournage m’a appris à découvrir davantage ce milieu et surtout, à tenir sur un bateau… (rires)
Le tournage a été une première expérience mais pas la mer…
Loup Lamazou : J’ai la chance de bien connaître la mer puisqu’on est parti en bateau en famille, en revanche, le cinéma, c’est en effet tout nouveau ! (rires) C’est un peu troublant, au début, de jouer mais c’était amusant d’incarner mon père dans le film. Et puis, j’avais moins de pression que Stéphane, s’il n’avait pas été content de ma prestation, il ne m’aurait de toute façon pas renié ! (rires)
Tourner sous la direction de sa mère ?
Loup Lamazou : Il y aurait pu y avoir de l’appréhension mais ça a été très fluide ! C’était une super équipe, on jouait une bande de marins et on rigolait bien sur le plateau… Ça donne carrément envie de recommencer, j’ai adoré cette ambiance de tournage !
Vous êtes passée de réalisatrice de documentaires à réalisatrice de film, l’expérience a ressemblé à ce que vous souhaitiez ?
Géraldine Danon : Oui je suis heureuse parce que cette expérience a ressemblé à ce que j’espérais… Déjà, j’ai beaucoup travaillé le scénario parce que j’ai toujours pensé qu’avant de s’attaquer à un film, il fallait avoir le scénario le plus abouti possible car c’est, en ce qui me concerne, dans le cadre que je trouve ma liberté. Je ne suis pas une grande adepte de l’improvisation dans l’absolu.
D’autre part, j’avais une équipe derrière moi. On était tous portés par cet hommage qu’on rendait à Florence Arthaud et je crois que ça a motivé tout le monde… De mon côté, j’ai essayé de leur transmettre un maximum d’énergie, de les porter dans cette aventure avec toute ma fougue et honnêtement, ils me l’ont bien rendue, que ce soit Pierre Milon mon chef opérateur, Lucien Balibar au son, Loïc Lallemand mon monteur, les comédiens… Ils ont tous été là, à fond avec moi. Ça m’a permis de découvrir, et c’est vraiment la grosse différence avec le documentaire, un travail d’équipe qui m’a énormément plu. Grâce à eux tous, le film ressemble à ce que j’avais précisément en tête. Je ne suis pas trahie par mon film, j’ai même plutôt eu quelques heureuses surprises, notamment grâce à Stéphane qui m’a apporté des choses que je n’avais pas imaginées…
J’avais énormément travaillé au préalable à mon découpage, j’ai beaucoup parlé avec Stéphane, avec les autres comédiens et avec toute l’équipe technique. On a fait un très long repérage pour trouver les lieux où j’avais envie de tourner et puis, pour les scènes en mer, je me suis entourée des meilleurs marins… Tout était là pour laisser place à la magie, à la joie aussi et à la part de « mystique » comme disait Stéphane… Je suis à peu près certaine que Florence a veillé sur nous, notamment pendant les scènes en mer…
15 ans de vie et de documentaires en mer…
Géraldine Danon : J’ai toujours eu besoin de voyager et de m’échapper… Baudelaire a dit : « Regarde la mer, tu contempleras ton âme » et j’ai l’impression qu’il n’avait pas tort. Avant de rencontrer Poupon et d’y passer quasiment 15 ans, j’étais moins attachée à la mer qu’aujourd’hui mais j’avais tout de même besoin de la voir pour me ressourcer, pour retrouver l’inspiration, l’émotion et respirer. Je trouve que la vie en ville est très prenante et qu’elle nous bouffe alors que la mer m’apporte la respiration dont j’ai besoin. Je vais attaquer un deuxième film et je crois que je m’échapperai avant pour retrouver le silence et la lumière des océans.
Raconter des histoires à travers des témoignages ou une fiction, c’est ce qui prime ?
Géraldine Danon : Ça a toujours été très important pour moi, que ce soit à travers un personnage, en l’interprétant ou en racontant notre aventure familiale en mer… Cette notion de partage est primordiale pour moi et puis j’aime bien être comme un funambule sur un fil qui manque de tomber et qui cherche à se rattraper un peu… Avec ce personnage de Florence Arthaud, il y avait de ça : raconter une histoire tout en prenant un risque…
© Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson au CGR Chabran de Draguignan pour Le Mensuel / Photos Laura Poupon / octobre 2023
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