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Jacques Rolancy en interview à l’occasion de sa participation aux Étoiles de Mougins

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« On n’est pas addict à notre métier, mais presque ! » Laurence Duperthuy

 

Issu d’une famille MOFs, Jacques Rolancy en est lui-même devenu en 1993 ! Propriétaire de « La Table du Moulin« , son tout nouveau restaurant à Lorgues, le chef Jacques Rolancy sera présent aux Étoiles de Mougins ce 17 et 18 septembre !

Retrouvez également au printemps prochain les  » Rolanciades « , un évènement où le chef et sa famille établissent un menu de A à Z !

 


 

Découvrez tous nos concours sur Les Étoiles de Mougins

 

 


Comment cela se passe les Étoiles de Mougins ?

C’est un grand rassemblement qui fait plaisir aux chefs et au public. Nous, on peut démontrer notre savoir-faire et échanger avec le public. C’est un moment festif que l’on attend avec impatience, il nous permet de tous nous réunir. En effet, les chefs de la région, on les côtoie de temps en temps, mais les chefs des autres régions françaises, il faut des manifestations comme les Étoiles de Mougins pour pouvoir se réunir.

 

Vous êtes originaire de Lyon ?

Tout à fait, je suis originaire de Lyon. Je suis arrivé dans la région en 2006 et avant cela, je suis aussi allé en Angleterre.

 

Pourquoi voyage-t-on lorsque l’on est chef ?

Pour se familiariser avec d’autres saveurs, pour s’ouvrir l’esprit. On rencontre des cultures différentes, des manières de cuisiner différentes, c’est une ouverture sur notre patrimoine. Il ne faut pas rester bloqué dans sa coquille. Il faut s’ouvrir, voir d’autres choses pour pouvoir grandir. J’ai vécu un moment en Angleterre et la cuisine anglaise date de bien longtemps. Ce n’est pas très évident de leur faire manger des produits comme des andouillettes ou des abats, c’est assez compliqué. J’ai fait goûter des crêtes et des rognons de coq à ma direction. Ils auraient pu en goûter sans le savoir, mais si j’avais annoncé tout de suite le menu, ils n’auraient pas mangé. À la base, ils ont aimé ce qu’ils ont mangé. Ce sont vraiment des aprioris qu’ils ont comme sur pas mal de chose. Souvent, quand on lit une carte, on regarde avec nos yeux, l’information monte à notre cerveau et on s’en fait une image. On peut être satisfait de ce que l’on voit dans notre assiette et parfois, on peut être un peu déçu parce que l’on s’est imaginé totalement autre chose.

Comment élabore-t-on une carte ?

J’ai ouvert un établissement à Lorgues il y a 5 mois. Je l’ai ouvert plus dans un esprit auberge que restaurant bistronomique. J’essaie de replonger les gens dans leur enfance. Retrouver des saveurs qu’on ne trouve plus aujourd’hui.

 

La cuisine est-elle forcément un métier de passion ?

C’est un métier passionnant. Si on ne le fait pas avec passion alors il ne faut pas le faire. Tout métier possède des plaisirs, des avantages et des inconvenants. On n’est pas addict à notre métier, mais presque ! On découvre des techniques, des saveurs, des produits. Tout au long de l’année, on est émerveillé, on découvre constamment, on suit les saisons, on est toujours dans l’action. C’est toujours une passion, un plaisir de cuisiner. Aujourd’hui, pour une entreprise comme la nôtre, le plus frustrant, c’est le personnel. On est obligé de mettre de l’eau dans notre vin si l’on veut garder nos employés. On est obligé de s’adapter, c’est le plus contraignant. Notre métier en lui-même n’est pas compliqué, le problème c’est l’environnement autour. On parle de notre personnel, mais il y a également les fournisseurs qui peuvent être en manque de transporteurs ou de produits. C’est tout ce côté-là qui est vraiment frustrant.

 

Ce nouveau restaurant, quelle idée de se mettre à Lorgues ?

C’est mon associé que j’avais rencontré à Nice qui m’a dit « Si un jour, tu veux t’installer dans le Var, tu m’appelles », alors j’ai fermé à Nice et je l’ai appelé. On a regardé à Lorgues, Cotignacs, les Arcs sur Argent… À la fin du covid et aussi question pécuniaire, on a cherché un fonds de commerce pas trop chère et cela s’est fait à Lorgues. L’établissement marche assez bien malgré le fait que l’on ne fait que très peu de publicité. On préfère le bouche à oreille et laisser les choses se faire naturellement, on ne veut pas écraser la concurrence. Je ne veux pas m’imposer comme je suis « Meilleur Ouvrier de France ». Je veux m’imposer grâce à mon travail, la qualité de notre service et de nos assiettes. Lorsque j’aurais une équipe complète et bien rodée cela va « ronronner » !

Cette année, Les Étoiles de Mougins mettent en avant les MOFs, vous l’êtes depuis 1993. Comment s’est passé le concours de Meilleur Ouvrier de France ?

Alors j’étais plus jeune, c’était la deuxième fois que je le passais, alors c’était avec une appréhension et une organisation différentes. La première fois que je l’ai passé, c’était en Alsace. J’ai échoué sur des erreurs de jeunesse. Cependant, on apprend de nos erreurs et j’en suis revenu mieux armé pour a deuxième session. À cette époque-là, je travaillais en Angleterre et je m’étais dit que si je le repassais, je m’isolerais comme un pilote de formule 1.

Pour ne pas être dérangé, le seul moyen que j’ai trouvé pour me mettre dans ma bulle a été de partir chez ma mère. Alors j’ai pris une semaine, je suis descendu chez ma mère qui tenait une charcuterie et je m’entraînais dans son laboratoire. Mais pour ne pas gêner le fonctionnement de la charcuterie, je m’entraînais de minuit à 6h du matin, je faisais mon concours et cela a fonctionné. Je suis devenu MOF.

 

Qu’est-ce que cela représente d’être MOF ?

C’est une satisfaction personnelle, c’est un peu le Graal effectivement. Dans ma famille, nous sommes 4 à l’avoir eu. En 1982, ma mère a été MOF, elle a d’ailleurs été la première femme MOF des métiers de bouche. Elle l’a passé parce que j’ai perdu mon père en 1978 et il a été MOF en 1976. À cette époque, mes parents tenaient une charcuterie et pour faire taire ces matchos qui ne pensaient pas qu’une femme serait capable de faire la fabrication d’une charcuterie, elle a relevé le défi du concours MOF. Elle aussi n’a réussi que lors de sa deuxième tentative. La première fois, elle était un peu têtue, elle en a fait qu’à sa tête et a perdu en finale. La deuxième fois, elle a demandé l’aide d’un ami qui est MOF en charcuterie qui lui a demandé un coup de main et cette fois-là elle a réussi. J’ai également mon cousin qui a été MOF en pâtisserie en 1994. Normalement, l’année prochaine à Lorgues nous faisons les « Rolanciades » qui est un évènement où je réunis ma famille MOF et on fait un menu de A à Z. J’avais commencé à faire cela dans mon restaurant de Nice et maintenant, je vais le reproduire à Lorgues. C’est prévu pour printemps 2023, il nous faut plusieurs dates, parce que le charcutier qui est à la retraite est très occupé, il s’occupe – notamment – cette année des MOF charcuterie.

 

Les MOFs sont représentés aux Étoiles de Mougins. Qu’allez-vous expliquer aux jeunes MOFs et au public ?

Au-delà d’être MOF, on incarne aussi la profession. C’est un très beau métier. Même s’il a été – malheureusement – noirci par certains chefs qui ont été un peu excessifs. Pour autant, cela reste un très beau métier. On découvre plein de chose et il ne faut pas hésiter à le faire. C’est sûr, il y a le côté contraignant des horaires, mais à côté de cela, on peut partager des souvenirs, voyager, s’enrichir de plein de culture. Si c’était à refaire, je referais le même parcours, mais peut-être pas avec les mêmes maisons.

 

Il y a des maisons où l’on ne sent pas bien, où l’on n’est pas libre de faire sa cuisine ?

Ce n’est pas vraiment une question de liberté, mais plus une question d’apprendre, s’enrichir d’autres personnes. C’est plus l’environnement qui joue, il y a des maisons où l’on apprend plus que d’autres. Entre chefs, on échange des techniques, des produits, des fournisseurs. Il y a des petits secrets qui se gardent, mais on partage quand même les grandes lignes. Le partage est vraiment une valeur importante. Notre profession – lorsque l’on reçoit nos clients – est vraiment un métier de partage et de convivialité et non juste du business. Si on vient chez nous, c’est pour passer un agréable moment, pour partager avec ses amis, le chef, l’établissement. Ce n’est pas juste « je vais au restaurant pour me nourrir ».

 

Savez-vous ce que vous allez faire aux Étoiles de Mougins ?

Je ne pense pas que je ferai de démonstrations, il me serait difficile de me libérer. J’ai un emploi du temps très chargé, je ne fais pas partie d’une grosse écurie. C’est le côté frustrant d’un MOF qui est chef / propriétaire, comparé à nos chefs qui travaillent dans de belles maisons et qui ont beaucoup plus de disponibilités. D’un autre côté, mon établissement est vraiment ma fierté. On est gestionnaire, psychologue avec le personnel, meneur d’homme et même homme d’entretien parce qu’il faut bien faire le travail par soi-même. On a plusieurs casquettes. Je préfère être mon propre chef que d’être dans une maison. J’ai travaillé dans une chaîne en Angleterre – c’était Hilton – le problème est que les directives ne sont pas claires. Un jour, c’est blanc et le lendemain, c’est gris. Donc on a une ligne de conduite, on connaît le tenant de l’aboutissant mais s’il faut à chaque fois naviguer pour pouvoir arriver… Non, c’est trop compliqué… J’ai même travaillé dans une grande maison à Paris et on n’a pas 100% de liberté à moins de taper du poing sur la table… Mais je n’étais pas MOF à l’époque donc c’était différent. Il faut des directives claires… On veut quelque chose d’exceptionnel, mais à côté on nous reproche de ne pas être dans nos marges. C’est deux poids, deux mesures. En étant chef / patron, si on se loupe, on se tape sur les doigts !

 

Qu’est-ce que vous préférez cuisiner ?

J’aime tout. Les légumes, c’est une technique particulière, c’est agréable de pouvoir les mettre en valeur. Le poisson, j’en ai énormément travaillé sur Nice. La choses la plus technique, c’est la viande. Cela demande plus de surveillance, il y a beaucoup de chose qui rentre en compte comme la sauce. Personnellement, j’ai une étiquette de « Chef Poisson » comme je viens de Nice ! Après, j’aime bien surprendre avec de la viande. En hiver, j’essaie de trouver des plats de cochonnaille. Par exemple, à Nice, j’ai sorti un hot-dog que j’ai fait avec une tête de veau préparée avec une technique que j’ai appris de Joël Robuchon. On mélange tout ce qu’on a : notre savoir et nos compétences.

 

Qu’est-ce qui vous plaît le plus ? Créer ou servir ?

Servir donne du plaisir et créer donne de l’excitation, on recherche la nouveauté. Notre tête fonctionne tout le temps et on met sur papier nos idées. Lorsqu’on a un début de schéma, on essaie, on évolue et on améliore. En général, je fais goûter à mon associé, mon personnel et à des amis. Je prends le bon et le mauvais et je finalise mon plat. Je goûte également, je m’extrais de la cuisine et je me mets en position de client pour pouvoir mieux analyser. Pour savoir ce que le client va ressentir. Par ailleurs, je ne pense pas que l’on « créé une nouveauté » cela voudrait dire que ce serait 100% nouveau et qu’est ce qui l’est réellement ? On ne le sait pas. Il faudrait faire toutes les cuisines du monde pour savoir s’il n’y a pas un chef qui a fait une chose similaire à un autre. Je suis quelqu’un d’assez humble !

© Propos recueillis par Delphine Goby O’Brien pour Le Mensuel 

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