COUPS DE COEUR

Claude Lelouch en interview pour son nouveau film « L’amour c’est mieux que la vie »

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« Je fais du cinéma d’amateur, j’en suis fier… » 

 

Du haut de ses 84 ans et de sa cinquantaine de réalisations, Claude Lelouch surprend encore… On le connait pour Un homme et une femme, L’aventure c’est l’aventure, Itinéraire d’un enfant gâté ou encore Un plus une et, face à tant de succès et de collaborations avec des acteurs prestigieux, on pourrait avoir tendance à croire que l’on va se retrouver face un homme sûr de lui, imbu de ses connaissances et peut-être même un peu « blasé » alors qu’il en est aux antipodes ! Simple, souriant, abordable et pas avare d’anecdotes, ce monstre sacré du cinéma français a encore et toujours l’oeil qui pétille lorsqu’il parle du 7ème art, de ses projets ou de son dernier long-métrage L’amour c’est mieux que la vie 

 

 


 

🍿 Claude Lelouch pour son nouveau film « L’amour c’est mieux que la vie » au cinéma le 19 janvier 2022

🍿 Claude Lelouch sera le sujet du film documentaire de Philippe Azoulay Tourner pour vivre – au cinéma le 11 mai 2022

 


 

 

Morgane Las Dit Peisson : Vous rencontrez souvent le public…

Claude Lelouch : Je pense que le public a toujours raison, même quand il a tort ! (rires) Je le respecte énormément et c’est pour ça que j’ai toujours autant aimé, ces 60 dernières années, aller à sa rencontre à travers des festivals et des avant-premières. Je n’oublie jamais que je travaille pour lui qui fait la démarche de se déplacer au cinéma afin de rêver et d’oublier un quotidien parfois difficile. Quand il rit, quand il pleure et quand il s’évade, je suis l’homme le plus heureux au monde et quand il a la chair de poule, je me dis que j’ai réussi mon coup ! (rires) Vous savez, on ne peut pas mourir d’une overdose de rêves, alors ça me laisse encore de belles perspectives de films…

 

 

Vous êtes le « rôle » principal du film de Philippe Azoulay, Tourner pour vivre

À partir du moment où des gens sont allés voir mes films, ils ont peut-être envie d’en savoir plus et de découvrir comment je les fabrique, comment je trouve mes sujets et pourquoi j’en fais autant ! (rires) C’était amusant que quelqu’un me suive dans cette création souvent chaotique. Je dois avouer que quand Philippe m’a soumis son idée de documentaire, je n’étais pas plus emballé que ça mais, comme c’est un très bon ami et qu’en plus il est talentueux, j’ai fini par céder et je ne le regrette pas ! J’ai eu un peu peur d’avoir un « espion » sur le dos et de ne pas pouvoir être naturel sur les tournages mais il a vite su se faire oublier…

 

 

« Je ne pensais pas être aussi cinglé que ça ! »

 

Un regard extérieur…

On croit toujours se connaître mais j’ai étrangement appris beaucoup de choses sur moi en regardant le résultat… Je ne pensais pas être aussi cinglé que ça ! (rires) 

 

 

Vous êtes très prolifique…

Je travaille avec la plus grande des scénaristes : la vie ! Et elle a tellement d’imagination en permanence que j’essaye juste d’apprendre à la suivre… Quand on aime la vie et qu’on l’observe, elle nous donne des idées chaque seconde et d’ailleurs, si c’était matériellement possible, je ferais un film par jour ! (rires)

 

 

« Je lui ai consacré toute ma vie… »

 

Un cinéma resté artisanal…

Le cinéma est aussi merveilleux que cruel car il ne fait pas de cadeau. C’est d’ailleurs pour ça que je l’aime tant et que je lui ai consacré toute ma vie. J’ai bien sûr des collaborateurs formidables sur qui m’appuyer mais je me mêle de tout, du scénario aux acteurs en passant par les costumes ou les repérages ! Je fais du cinéma d’amateur, j’en suis fier et je le revendique car, à mes yeux, c’est le plus beau de tous ! Je ne fais que des films que j’aime, que j’ai profondément envie de faire, sans me mettre à la disposition de stars, de producteurs ou de distributeurs qui m’expliqueraient quels films il faudrait tourner !

 

 

« J’adore faire des choses pour la première fois alors avec la mort, je vais être servi ! » 

 

Passionné comme un débutant…

Je suis dans l’émerveillement, je n’ai pas vraiment grandi ! (rires) Je suis jeune depuis très longtemps et aujourd’hui, je suis un adolescent dans un corps de vieux monsieur et je mourrais comme ça ! D’ailleurs, je pense que le moment venu, ça me fera marrer de vivre ce truc que je ne connais pas… J’adore faire des choses pour la première fois alors avec la mort, je vais être servi ! (rires) J’irai le plus « joyeusement » possible car j’aime tellement la vie que je ne peux qu’en accepter toutes ses règles… 

 

 

Votre 50ème film L’amour c’est mieux que la vie en parle justement…

J’y ai « reconstitué » une scène que j’ai vécue avec Brel qui tout à coup avait trouvé un goût extraordinaire à une énième bière. Il savait que ce serait une des dernières qu’il boirait alors il la savourait comme si c’était une première fois… Dans L’amour c’est mieux que la vie, un personnage qui va bientôt mourir explique que depuis qu’il sait qu’il fait peut-être les choses pour la dernière fois, il apprécie réellement la vie !

 

 

« L’amour, l’amitié et l’argent sont les trois obsessions principales de l’humanité ! »

 

Le principe des trois A…

L’amour, l’amitié et l’argent sont les trois obsessions principales de l’humanité et selon l’ordre dans lequel vous les rangez, vous êtes intelligent ou con ! (rires) Étudier ces trois A constamment à travers mes films, c’est tenter d’inlassablement comprendre la vie et je suis persuadé – croyant dans le cinéma comme certains croient en Dieu – qu’un jour quelqu’un saura faire « le » film qui nous fera gagner toute une vie d’interrogations et d’incompréhensions. Quand je sors d’un bon film, j’en ressors changé, je ne vois plus les choses de la même façon… C’est le but de l’art, faire passer des messages parfois irrationnels de gens qui ne sont pas plus intelligents que les autres mais qui ont juste un peu plus de « flair » et qui ont surtout l’envie de partager leurs trouvailles avec le plus grand nombre…

© Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson au Festival Cannes Cinéma pour Le Mensuel / Photos Les Films 13

 


 

Interview parue dans Le Mensuel n°427 de janvier 2022

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