CINÉMA
Aurélie Saada en interview pour son 1er film « Rose » avec Françoise Fabian !
« Je me suis découverte… »
Elle qui, au sein du duo Brigitte, prenait déjà un plaisir monstre à façonner chacun des clips, s’est enfin lancée dans son ambitieux projet de long-métrage. À travers l’histoire de Rose, Aurélie Saada rend une fois de plus hommage à la gent féminine dans toute sa richesse et sa complexité. Veuve et mère de trois grands enfants qui s’inquiètent autant de la savoir seule et malheureuse que de la voir tout à coup enjouée et lumineuse, Rose – filmée avec une grâce inouïe – va petit à petit réapprendre à aimer, sourire et chanter…
Morgane Las Dit Peisson : Tu nous avais déjà parlé, il y a quelques années, de ce projet de film…
Aurélie Saada : Ça a été une longue gestation mais je crois de toute façon que les choses que l’on crée nous hantent depuis longtemps… Il y a 5 ans, j’ai commencé à écrire – j’ai découvert que faire un film, c’était beaucoup plus long que de sortir un album ! (rires) – en partant de quelque chose qui m’obsède : la pluralité du féminin, le regard qu’on porte sur soi, les limites qu’on s’impose, la liberté à conquérir et la révolution intime…
Je l’ai vécue à la trentaine, après avoir eu deux petites filles avec un homme que j’aimais par-dessus tout mais qui m’a quittée. J’ai cru que le monde s’écroulait, que je n’arriverais plus jamais à être joyeuse, que je ne pourrais jamais continuer à vivre sans lui et puis, je me suis découverte. Je suis intimement persuadée que tous les deuils, quels qu’ils soient, nous apprennent quelque chose sur nous…
C’est la trame de l’histoire de Rose…
J’ai eu envie d’écrire un parcours de vie, celui d’une femme qui découvre – à l’aube de ses 80 ans – qui elle est, après le décès d’un mari avec qui elle a vécu toute sa vie et qu’elle a aimé jusqu’à la fin… L’inscrire dans un âge plus mûr me tenait à coeur car le corps et le désir des femmes de cet âge-là sont complètement invisbles aux yeux de la société, comme s’ils n’existaient plus !
Françoise Fabian est Rose…
Quand j’ai écrit ce personnage de Rose, j’ai pensé à mes grands-mères, à mes tantes, à ma mère, à ces femmes qui ont compté dans ma vie, mes icônes à moi ! (rires) Puis j’ai cherché une femme qui corresponde à ces personnages-là, qui ait la gourmandise, la liberté, l’audace, la générosité et l’Orient. Françoise Fabian était pour moi la seule actrice qui avait tout ça ! J’aime son rapport au temps, à l’âge, à l’indépendance, elle est volontaire, puissante et douce à la fois et sincèrement, je ne voyais qu’elle…
Elle a été touchée par le scénario et m’a dit qu’elle voulait absolument être Rose… Je ne pouvais pas rêver plus belle réponse ! (rires) Depuis, j’ai l’impression qu’elle fait partie de ma famille, je ne verrais plus ma vie sans elle, c’est une magnifique rencontre…
Un film sur cette femme, sa famille et sa solitude y compris dans les scènes de liesse…
Je viens d’une culture où la pudeur et les silences se cachent dans le bruit… Les tables sont pleines et on parle fort mais ça cache souvent de profondes solitudes. Rose était comblée avec son mari, elle n’avait jamais imaginé qu’un jour elle pourrait descendre un escalier sans s’accrocher à son bras alors elle ne pensait pas que l’aventure la ferait autant vibrer. Rose est l’histoire d’une naissance, l’histoire d’une femme qui choisit la vie, qui prend le risque de la croquer plutôt que de la laisser s’éteindre… C’est est un message d’espoir qui rappelle que si on peut être son pire ennemi, on peut également devenir son meilleur allié…
© Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson aux Rencontres Cinématographiques de Cannes 2021 pour Le Mensuel / Photos Pierre Terdjman
Interview parue dans Le Mensuel n°426 de décembre 2021
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