INTERVIEW
Wax Tailor en interview
Bien qu’il n’ait jamais caché son profond intérêt pour le 7ème Art en général et le 7ème Art américain en particulier, Wax Tailor aura patienté jusqu’à son cinquième album sorti le 14 octobre 2016 – By any beats necessary – pour s’en approcher d’un peu plus près… Car si son précédent Dusty rainbow from the dark se présentait comme un véritable conte, son dernier opus s’écoute comme se lisent les chapitres d’un livre. Bien loin d’une simple succession de titres, ses dernières compositions racontent une histoire, celle d’un road-trip au coeur de l’immensité, des charmes et des excès d’une Amérique qui, vue de loin, nous excède autant qu’elle nous passionne…
« BY ANY BEATS NECESSARY »
À Antibes au festival Les Nuits Carrées le 29 juin 2017
« J’ai besoin que l’objet soit beau, singulier et cohérent pour essayer d’emmener les gens dans une véritable proposition artistique… »
Morgane Las Dit Peisson : Avant même de sortir ton nouvel album By any beats necessary, tu as dévoilé le clip Worldwide mais aussi son making of incroyablement artisanal…
Jean-Christophe Le Saoût : Quand on avait réalisé le clip de This train tout en plans-séquences à l’ancienne, j’ai ressenti une profonde frustration que ce travail si prodigieux n’ait pas été filmé pour que les gens puissent se rendre compte du cheminement et de la précision que ça avait exigé.
De nos jours, on est tellement habitué à tout pouvoir créer en trois clics que parfois, le résultat ne suffit plus à nous impressionner… Et étrangement, on redevient de plus en plus bluffés par un type qui est capable de façonner minutieusement un objet pendant des mois que par un film aux effets spéciaux les plus poussés ! J’ai toujours été émerveillé par ça. Tout le clip de Worldwide a été conçu à la main, à coups de ciseaux et à grand renfort de tubes de colle et j’avais vraiment envie que le public puisse en découvrir les coulisses.
C’est un travail pointilleux qui requiert du temps et ça ressemble beaucoup à ta façon de composer…
C’est d’ailleurs à cause ou grâce à ça que je me sens vraiment comme un anachronisme dans le décor ! (rires) À une époque où tout va excessivement vite, j’ai besoin de prendre mon temps et à l’heure où tout se dématérialise et où l’on écoute des play-lists, je ne peux pas imaginer un album comme un vulgaire consommable… J’ai besoin que l’objet soit beau, singulier et cohérent pour essayer d’emmener les gens dans une véritable proposition artistique d’ensemble qui correspond à ce que je suis à l’instant T et pas simplement de leur fournir une dizaine de titres qui sonnent bien.
By any beats necessary ressemble à un road trip américain…
La direction de cet album s’est vraiment imposée à moi après avoir fait une tournée un peu imprévue aux États-Unis à une période où je m’étais pourtant juré de me reposer un peu ! C’est ce que j’appelle une douce schizophrénie ! (rires) Mais ça m’a beaucoup appris sur moi dont le fait que, au delà du besoin viscéral de partir en tournée quoi qu’il en coûte, j’avais aussi une appétence pour aller voir un ailleurs, presque une envie de partir seul avec un sac à dos… Et comme un fait exprès, je suis retombé sur le livre On the road de Jack Kerouac qui a été fondateur de la Beat Generation alors que j’avais déjà choisi By any beats necessary comme titre de l’album à venir en référence à un discours de Malcolm X… Ce sont ces « signes » qui ont formé le terreau de ces quatorze titres.
Parmi les invités de l’album , on retrouve des fidèles comme Charlotte Savary ou Mattic, des artistes reconnus comme Ghostface Killah du Wu-Tang Clan et Idil, une jeune chanteuse encore inconnue…
Ça peut paraître bizarre après des tournées un peu partout dans le monde et cinq albums mais j’ai parfois envie de m’excuser ou de me justifier quand je travaille avec des « têtes connues » comme Ghostface Killah parce que je ne veux justement pas que les gens s’imaginent que je l’ai choisi pour son nom ! (rires) Chaque artiste présent sur l’album a été une évidence car je ne me force jamais artistiquement et calcule encore moins ! Je suis hyper fier de pouvoir faire découvrir Idil au public car là, j’ai l’impression d’apporter quelque chose de vraiment nouveau.
Idil chante sur For the worst qui est également un court métrage…
J’ai écrit un scenario que Julien Hosmalin a dû adapter en fonction des contraintes techniques et budgétaires (rires) mais je suis heureux du résultat ! On avait les mêmes références cinématographiques américaines comme Tarantino ou Breaking bad, la même attirance pour ces teintes jaunies et pour cette ambiance un peu poussiéreuse et crasseuse…
Un road trip donc mais pas un rêve américain…
J’avais très peur de tomber là dedans car même si pour nous français, les États-Unis ont toujours été une source de fantasmes, on sait ce que c’est réellement. Il fallait trouver le juste milieu entre l’évasion que ça représente et la réalité qu’on y trouve…
© Propos recueillis par Morgane Las Dit Peisson • Photo Geraldine Petrovic
Interview parue dans Le Mensuel de novembre 2016 n°375 éditions #1 et #2
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